Un article du Canard Enchaîné (15 mai)

Dans la Mare aux canards, en page 7 sur l’eau et les déchets militaires, que je reproduis ici en intégralité pour faciliter les recherches démilitaires… Il annonce une émission de télévision sur F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒ 5 à enregistrer si vous avez la TV !
Petit coucou à @THX : nous sortons Par Surprise: nouvelles démilitaires le 24 mai !


Bombes à retardement

Bombes à retardement

En 1835, Abel Hugo, frère de Victor, tombait amoureux de Gérardmer. Il baptisa même cette ville « la perle des Vosges ». Et aujourd’hui encore, son lac fait figure de petit paradis. En surface seulement.

Après la Première Guerre mondiale, des dizaines de tonnes de munitions ont été immergées dans sa partie nord. Ce « noyage », comme l’appellent tendrement les galonnés, fut un moyen expéditif de se débarrasser de déchets militaires toxiques.

Heureusement, expliquent aujourd’hui les autorités, dans les années 80 et 90, des plongeurs du centre de déminage de Colmar ont fait la chasse aux détritus que leurs aînés avaient semés. Mieux, le lac est considéré comme « nettoyé », même loin des rives et jusqu’à 20 mètres de profondeur.

Quelle saleté la guerre !

Problème : en juillet 1994, des vapeurs blanchâtres folâtrent à la surface de l’eau. Des munitions dégradées laissent échapper leur phosphore. Y aurait-il encore des témoins de la der des der assoupis dans la vase ? C’est la question posée par les enquêteurs de « Vert de Rage », qui se sont entourés de scientifiques pour en avoir le cœur net.

En fait, ce n’est pas en profondeur que sommeillent ces bombes à retardement, mais non loin de la terre ferme. À 6 mètres de la rive, dans la lumière des lampes torches, les plongeurs repèrent les premières grenades à manche. D’autres explosifs de tranchée. Puis des obus ici ou là, fortement dégradés.

L’eau du lac étant ponctuellement utilisée l’été, en cas de sècheresse, pour compléter les ressources de la ville en eau potable, les journalistes décident de la faire analyser, ainsi que des sédiments et des herbes aquatiques, qui entourent les vestiges guerriers.

Aaron Beck, le responsable de la division d’océanographie chimique de Kiel, en Allemagne, a accepté de se pencher sur ce sujet qu’il connaît bien. Lui qui traque, depuis des années, la pollution de l’environnement par les armes de guerre en mer Baltique. Et son verdict est glaçant.

En plus du phosphore, « la perle des Vosges » recèle dans son eau comme sur ses plantes des restes d’explosifs comme du TNT, mais aussi des traces, de fer, de plomb ou de titane qui dépassent les normes de qualité environnementale. Même chose au large de Ouistreham, où un destroyer britannique avait été coulé en 1944 par l’aviation allemande. Ses 21 missiles de combat sont toujours visibles, enrobés d’anémones de mer, de coquillages, et taquinés par les poissons. À Suippes, dans la Marne, l’enfouissement dans le sol de munitions de tranchée pollue même l’eau du robinet de résidus d’explosifs.

Aucune étude n’a jamais été faite sur l’impact de déchets de guerre. Il n’existe pas de carte détaillant les emplacements où des milliers de tonnes ont été immergées, enfouies, oubliées par l’armée française. « Vert de Rage » informe toujours la société civile de ses travaux, mais, dans cette affaire, les autorités civiles et militaires se sont défilées.

La palme de la Grande Muette revenant à l’amiral d’état-major Nicolas Vaujour, le chef d’état-major de la marine nationale, qui a piteusement fui les questions à toutes jambes, comme un matelot de 2e classe qui essaierait de couper à la corvée de pluches.

Sorj Chalandon

→ « Armes, l’héritage toxique » de Martin Boudot, Mathilde Cusin et Manon de Coüet, le 27/05 à 21 h 05 dans « Vert de Rage » sur F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒ 5.