Subtil Béton : méthodologie et élaboration

Subtil Béton, c’est une écriture collective, chorale, une expérience d’écriture féministe autogestionnaire qui se déroule au fil du temps et débouche sur un roman d’anticipation, fiction spéculative avec les luttes au cœur, racontant l’histoire de ce qui reste après la défaite—cela, en soit, est théoriquement à l’opposé de ce que cherche à provoquer THX : car ce qui nous intéresse, ce sont les interstices qui échappent au pouvoir, ce fragment indéterminé du jardin planétaire


Où le collectif Subtil Béton s’exprime sur sa méthodologie :

Chaque session s’ouvre par un moment de retrouvailles où nous racontons, tour à tour, notre vie des mois précédents. Ensuite seulement nous commençons l’écriture : un thème malaxé pendant les trois jours suivants. Et deux ou trois mois plus tard, une nouvelle rencontre, un nouveau thème. Nous expérimentons des jeux d’écriture et, progressivement, peaufinons une méthode qui devient notre marque de fabrique : chacun·e écrit un premier jet, en moins de dix minutes et sous forme d’anecdote, très concrète, visuelle, comme une scène de film. Ensuite, nous échangeons nos feuilles pour fabriquer un second texte, en nous appuyant sur celui que nous venons de recevoir. Puis nous faisons à nouveau tourner et nous réécrivons, encore et encore et encore. Dans les premiers jets, nous décrivons des moments vécus, des protagonistes et des décors connus. Subrepticement, le passage par d’autres mains fictionne le récit, met à distance les émotions tout en les enrichissant, propose critiques ou secours à la situation. Cet exercice devient une étrange manière d’agglomérer nos expériences pour nous guider vers une écriture plus complexe, plus critique, plus poétique. Plus fantastique. Et dans le même élan, l’écrit cesse de se vouloir authentique, intouchable, au prétexte qu’il serait question d’intimité, de personnel ou de don créatif.
Nous ne nous lassons pas de cet exercice de réécriture à plusieurs mains. Il nous donne confiance, nous rend joyeuses et curieuses, plus fortes, avec l’envie de prendre soin mais aussi d’en découdre. Nous appelons ça de l’autodéfense intellectuelle. Nous y invitons les meufs, gouines et trans habitant·e·s ou habitué·e·s de ce lieu à nous rejoindre, le temps d’une demi-journée ou d’un week-end entier.

Ça c’était pour la période d’avant le roman. La suite est également intéressante mais ne devrait être accessible qu’à celleux qui ont déjà lu le roman…

Oui, je l'ai lu, merci.

https://subtilbeton.org/spip.php?rubrique1


Bon, tout ça pour dire que j’aimerais que le fictionnel ne soit pas un refuge mais un moyen.

j’ai commencé à le lire cette semaine et je m’y retrouve pas au niveau concept, ça me rappelle beaucoup la déception que j’avais eu à la lecture de “bâtir aussi” qui lui était trop basé sur la campagne telle que vue par les citadin·e·s avec une vision des choses au final très validiste. j’espère que subtil béton sera moins validiste mais bon…

Merci How pour la ref, je vais me procurer très rapidement ce livre !
Merci Milouchkna pour le retour sur “bâtir aussi”, car j’ai pas du tout ressenti cette “urbanocentrisme” et le validisme de ce scénario. Si tu sais développé ce point de vue ça serait super stimulant pour moi.
Pour le côté citadin•e j’imagine que je suis passé à coté, en en étant un. Pour le coté validiste, est-ce que ça à un rapport avec le culte de la révolution par la force? J’ai l’impression qu’une des nouvelles de “bâtir-aussi” est centré sur une vision neuro-atypique mais je me plante peut être

je te re-sors mon avis du fediverse, parce que la lecture date d’il y a deux ans et grosse flemme de déterrer le bouquin de mes tas… https://mamot.fr/@Milouchkna/104304452804918852 (oui, j’étais sur mamot à l’époque t_t)

Je viens de lire tes réflexions sur batir aussi, elle m’ont vraiment touché. En effet l’idée selon laquelle on perdrait accès à toutes les infrastructures si le système centralisé tombait est peut-être une vue de l’esprit, et il serait utile d’envisager l’idée que nous pouvons peut-être nous organiser pour les maintenir.
Moi ce qui me frappe lorsque les gens parlent de batir aussi c’est que c’est toujours l’exemple de la machine à laver qui revient, lorsque j’ai assisté à un atelier à Bruxelles la moitié de la conversation à porté sur cette histoire de machine à laver… Je comprends que c’est un exemple clef, mais il n’est pas vraiment systémique, du coup j’ai l’impression que parfois la pensée se rétrécie un peu dans ces narration post apo qui envisagent des solutions locales.
Et effectivement la campagne est vachement idéalisée, ainsi que cette notion de communautés locales particulières.

Pour moi cette histoire de machine à laver est un symptôme : celui d’une incapacité à l’invention, du carcan d’une vision systémique qui ignore l’émergence et repose presqu’entièrement sur une préconception des choses. Les préjugés occupent la quasi-intégralité de la fiction spéculative « d’anticipation » et bien souvent on n’en réchappe que pour sombrer dans la violence ou dans l’impuissance.

On en discutait encore à midi : oui, il y a une critique de la cybernétique et à raison, mais elle reste trop souvent cantonnée dans un rejet sans voir ce qui cloche dans l’approche cybernétique (la machine fermée) et sans considérer non plus l’évolution de cette pensée (notamment avec « le second ordre », qui selon moi reste criticable, mais échappe pourtant à la plupart des critiques « anti-tech » qui se contentaient de crever l’abcès d’une vision relativement simpliste de la pensée de Norbert Wiener.)

On trouve chez Simondon tous les arguments pour dépasser « l’hypothèse cybernétique », et si on y ajoute une simple remarque (féministe et décoloniale) du contexte de l’élaboration de cette pensée (États-unienne et militaire), on détient la clé pour la critiquer avec intelligence et sans être réactionnaire. Car c’est souvent le rapport à la technique et à l’abstraction qui restent problématiques et donnent des résultats peu convaincants sur des possibles post-capitalistes. C’est également pour cela que l’anticipation, dans le cadre de THX, m’intéresse moins que la spéculation autour de l’existant (dans les interstices et notamment hors-occident, mais pas seulement—c’est peut-être une différence que j’entretiens avec @natacha que j’ai encore un peu d’espoir dans la pensée philosophique « continentale », notamment Simondon qui reste largement inexploré—Merci à Aspe, Bardin et Combes pour défricher avec virtuosité les circonvolutions de la complexité simondonienne, à Lupasco pour la précéder dans l’ombre et aux féministes décoloniales pour l’incarner dans l’action).

j’ai fini subtil béton et en rédige une chronique vite fait et c’est exactement ça en fait: manque d’imagination sur les possibilités. ce qui pousse in fine à l’impuissance et pas vers l’espoir.

Pour “Bâtir aussi”, la post-face mettant en lien l’approche technologique des ateliers de l’antémonde (qui à mon sens n’est ni technocentrée, ni primitiviste et anti-tech) avec le texte de Murray Bookchin “Vers une technologie libératrice”, m’a plutôt convaincu, mais je suis un peu plus naïf et moins outillé que vous en ce qui concerne les réflexions autour de la technique.

Merci d’apporter cette nuance. Est-ce que ces “spéculations autour de l’existant” se déroule dans le présent? dans le passé? est-ce la seule différence avec les “anticipations” se déroulant dans le futur?
Je vois bien que des textes comme “Au commencement était… une autre histoire de l’humanité”, sont ce que je serais tenté d’appeler de l’archéo-spéculation (au même titre que n’importe quel récit d’historie et archéo), ont un impact sur notre capacité à sortir du réalisme capitaliste. Est-ce cela “spéculer avec l’existant”?

Dans le présent, dans le passé, dans les rêves, peu importe, mais pas dans le futur puisqu’apparemment, le futur est toujours décevant.

Oui, la postface de « Bâtir aussi » donne de bonnes références, mais l’univers décrit me semble à la fois naïf et peu probable. La futurité qui s’offre à nous aujourd’hui est tellement dystopique que je préfère regarder autour de moi que dans un ailleurs potentiel—et potentiellement détruit.

Je suis d’accord avec cela iels ont fait un vrai effort de se concentrer sur des questions pragmatiques je me demande si ce n’est pas la proposition de départ qui pose question, finalement j’ai de la difficulté à penser un univers post collapse qui soit une reconstruction, dans mon esprit il s’agit n-ecessairement d’un univers catastrophique habité par des militaires des mercenaires et des drones. En fait je crois que j’ai vraiment du mal à penser le futur. C’est pour cela que j’ai envie de penser l’actuel et toutes les implémentations de résistance.

C’est exactement cette panne de l’imaginaire, ce réalisme capitaliste, qui nous empêche de penser la fin du capitalisme. Et la spéculation d’anticipation est un outil pour en sortir. De plus rien n’empêche de

via un récit sur le futur. Surtout avec “anomalie sorcière”. Enquêtons, faisons une archéospéculation de notre présent, pensons les “implémentations de résistance” via un regard déchronocentré, sorti du réalisme capitaliste !

ok c’est noté on met ça au point ensemble dès ta venue, sais tu quand tu arrive?

Le 13 ou le 14, selon les aléas du voyage gratuit, stop et la gentillesse des contrôleur de train

Oui enfin fini
Alors alors je me suis régalé à le lire, mais je suis assez bon public surtout quand je suis à ce point le public cible.
Après y’a pas mal de truc qui me gêne.
Pour rappel, ce récit à pour point de départ une insurrection, mais “ce n’est pas l’histoire de cette insurrection, mais de ce qui reste après la défaite. colère et tendresses se mêlent en de multiples tentatives pour reconstruire espoirs et solidarités” (4ème de couv’)
Le point principale qui me met mal, c’est la chape de béton pas très subtil sous la quelle ce récit nous enterre. Une dystopie ultra techno-autoritaire, avec un capitalisme d’état extrême, où des activistes vivotent dans le stress et les galères de la clandestinité. ça met vraiment mal, je vois difficilement comment on peut faire pour plus nous mettre dans un sentiment d’impuissance, de sidération et d’immobilisme, mais c’est prenant . La toute fin du récit (les dernières pages) nous ouvre sur une once d’espoir, mais c’est vraiment une courte ouverture, accompagné d’un récit délirant totalement fantasmagorique de géante, de dauphin, et de mouette-baleine qui viennent les sauver aux côtés des allié•es révolutionnaires des mondes libres, ce qui assez troublant, et plutot maladroit. ce délire (avant dernière page) termine sur : “nous ne sommes pas naïves au pont de gober des délires pareils, nous avons besoin d’explication qui tiennent la route. Mais nous avons besoin de rêves aussi, d’imaginaires qui font du bien, qui nous calment et nous apaisent”… lol après 400 page de stress et rudesse de la clandestinité dans une dystopie, c’est pas 2 pages de délire qui vont me calmer et m’apaiser hahah
Les scènes de la vie quotidienne et celle d’action sont super, mais les réflexions militantes s’y ajoute comme des cheveux sur la soupe ( à part les réflexion sur les luttes du droits aux logements qui est bien incorporé au récit et vite fait le sexisme et le harcèlement).
J’ai pensé à natacha qui taquine les ateliers des antémondes sur le temps d’écriture de batir aussi, car subtil béton est un travail de 15 années ^^ !! pensons à indiquer que nos récits sont un travail d’écriture de seulement X mois pour ce thx !!

hahahaha, j’ai hâte de lire ton retour sur le récit 3 :sweat_smile:

Oui je suis vraiment d’accord pour moi un niveau de spontaneité c’est important c’est aussi une liberté, on fait des choses importantes c’est sur mais ce n’est pas non plus ce qui va retourner la planête. C’est d’abord un plaisir aussi celui d’être ensemble celui de se lñacher dans une histoire… Pas de quoi en faire un drame… C’est aussi une pierre à jeter dans la mare ou ailleurs…

Mare :

  1. Petite nappe d’eau peu profonde qui stagne.
  2. (figuré) Grande quantité de liquide répandu.
  3. (figuré) Vitrine de magasin, notamment une banque.
    Ex. Jeter un pavé dans la mare.