Nous étions sur le point de faire la révolution féministe… et puis le virus

Oui, oui, même si vous ne le saviez peut-être pas, nous étions au bord d’un soulèvement transféministe décolonial, nous avions rassemblé nos commandos et, comme disent les zapatistes, nous avions «géré notre colère». Mais tout ça, c’était quelques jours avant le Covid-19, avant que nous soyons obligés de nous enfermer dans nos maisons, avant que nos corps soient objectivés comme des organismes susceptibles de transmission et de contagion, avant que nos stratégies de lutte soient décollectivisées et nos voix fragmentées.

« On se lève et on se casse »

Grands-mères et petites-filles, pédés et hétéros dissidents, lesbiennes et trans, Afro-Européens et pâles, fauteuils roulants et mains parlantes, butchs et trans, migrantes et prolétaires. On ne parlait plus d’aller ou de ne plus aller voir les petits films de Polanski, on parlait de faire la révolution.

Cet extrait fait référence au geste d’Adèle Haenel à la dernière cérémonie des Césars qui a inspiré une tribune tonitruante de Virginie Despentes dans Libération :

[1]

https://www.liberation.fr/debats/2020/03/01/cesars-desormais-on-se-leve-et-on-se-barre_1780212

D’un côté, il y a le confinement social des Blancs aisés ; de l’autre, la contamination forcée des travailleurs pauvres, féminisés et racisés.

Personne ne reconnaît le travail de soins et de reproduction, de l’affection et de la sexualité, comme du travail. A la précarité de la classe, de la race, du sexe et de la sexualité s’ajoutent désormais d’autres segmentations du pouvoir

La révolution qui vient place l’émancipation du corps vivant vulnérable au centre du processus de production et de reproduction politique.

C’est peut-être l’enseignement le plus important de ce rituel technochamanique du «arrêter le monde». Seule une nouvelle alliance des luttes transféministes, anticoloniales et écologiques pourra combattre à la fois la privatisation des institutions, l’économie de la dette, la financiarisation de la valeur du néolibéralisme et les discours du totalitarisme néonationaliste, technopatriarcal, néocolonial. Seule une révolution somatopolitique transversale serait capable d’enclencher une véritable alternative.

seule une mutation du désir politique peut mettre en mouvement la transition épistémologique et sociale capable de déplacer le régime capitaliste patriarco-colonial.

La violence opère en fabriquant une subjectivité normative qui prend possession du corps et de la conscience jusqu’à ce que ceux-ci acceptent de «s’identifier» au processus même d’extraction de leur propre vie. La première chose que le pouvoir extrait, modifie et détruit est notre capacité à désirer le changement.

Résistez chez vous !


  1. Adèle Haenel a quitté la cérémonie des césars, vendredi salle Pleyel, à l’annonce de la récompense décernée à Roman Polanski. Photo Nasser Berzane. ABACA ↩︎

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