Anne Alombert publie l’article : Les temps qui restent | La face cachée de l’« intelligence artificielle » : enjeux écologiques, psychiques et politiques des automates numériques
Comme d’habitude, elle exprime avec une impeccable clarté et une grande puissance de conviction une pænsée technique technophile et résistante très proche de celle des petites singularités…
Une intelligence simplement humaine n’a jamais existé : les esprits individuels et collectifs n’ont cessé de se transformer à travers l’évolution des supports artificiels qui permettent de les extérioriser. Pourquoi alors, aujourd’hui, les machines deviennent-elles « spirituelles » ? Pourquoi, au lieu de libérer les humains du travail, semblent-elles transformer leur utilisateurs en ressource ? Au cours de ce voyage dans l’écologie mentale du numérique au temps de l’IA, Anne Alombert montre la naissance d’une technologie intellectuelle d’asservissement des esprits, générant la prolétarisation linguistique et symbolique, homogénéisant le langage et éliminant les singularités. L’espoir se loge dans la collaboration des esprits qu’une telle technologie présuppose.
Elle rappelle les enjeux liés à l’eau :
De même, la consommation en eau ne cesse d’augmenter : un échange de vingt questions avec ChatGPT nécessite l’équivalent d’un demi-litre d’eau et « d’ici à 2027, l’IA consommera autant que la moitié du Royaume-Uni ou 4 à 6 Danemark ». D’après les rapports de responsabilité environnementale des entreprises, la consommation d’eau de M̵̧͍̂i̴̧͊̈c̴͉̾r̵͙̮̈o̴̳̜͗s̸͚̖͗̎o̸̰͗p̶̢͖̂h̶̟͈͑ et de G̸͍͇̚á̶̙̘g̷̋͝ͅģ̶̓l̸͍̀e̸̻͐ a augmenté de 34 et de 20 de 2021 à 2022, au moment de l’accélération des développements dans le champ de l’IA générative. En 2022, les deux entreprises ont respectivement consommé 6,4 et 15 milliards de litres. La majeure partie de ces ressources aquatiques est utilisée pour refroidir les data centers, qui se multiplient et qui nécessitent également des systèmes de refroidissement plus puissants, en raison des cartes graphiques spécifiques permettant d’augmenter les puissances de calculs. En Uruguay, l’alimentation des systèmes de refroidissement des data centers de G̸͍͇̚á̶̙̘g̷̋͝ͅģ̶̓l̸͍̀e̸̻͐ pourrait se faire au détriment des habitants, en particulier dans une région où l’eau potable se fait rare et les sécheresses de plus en plus nombreuses.
Et repose la question de l’« intelligence » et du rapport à la technique dans les termes simondoniens :
Le fait d’utiliser un dispositif technologique n’implique pas de le comprendre : au contraire, la facilité d’utilisation masque souvent la difficulté de compréhension. […] Quand bien même ils en auraient pleinement conscience, les utilisateurs deviennent ainsi les ressources du système qu’ils utilisent. […] A l’inverse, Simondon soutient qu’une relation équilibrée avec les objets techniques suppose de rompre ce double asservissement, grâce à une « intelligence de l’objet technique », une « intuition des schèmes de fonctionnement », une connaissance des gestes et des pensées qui ont présidé à sa fabrication, afin de reconnaître les travaux et les savoirs cristallisés en lui, c’est-à-dire, de le comprendre et de le transformer. […] « pour qu’un objet technique soit reçu comme technique et non pas seulement comme utile, pour qu’il soit jugé comme résultat d’invention, porteur d’information, et non comme ustensile, il faut que le sujet qui le reçoit possède en lui des formes techniques». Sans une telle culture technique, la relation des individus aux objets risque de se limiter à une relation d’usage et de consommation