Julie Abbou — Tenir sa langue

Publié en septembre 2022 https://editionslesperegrines.fr/fr/books/tenir-sa-langue, est conseillé par le CIRA dans sa lettre de janvier 2023, en ces termes :

Le féminisme s’intéresse depuis longtemps à la question de la langue. Le langage est en effet l’un des lieux majeurs de notre catégorisation du monde. Il s’agit donc de contester la mainmise du masculin sur l’humanité. Julie Abbou est chercheuse en sciences du langage. Elle souhaite une « pratique politique de la grammaire » ayant pour but plutôt l’émancipation que l’inclusion, critiquant ainsi la mode de l’écriture dite « inclusive ». L’autrice propose de « produire de l’illisible » et « de choisir le tumulte et le désordre, la culture sauvage du discours plutôt que la conservation ».

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Je crois que ces termes apartiennent au CIRA et ne représentent pas la position de Julie Abbou.
Sur le site de la maison d’édition on peut lire:

C’est dans cette urgence politique et sémantique à exister en tant que sujet que des féministes se sont mises à « bousculer la grammaire ». Loin des arguments hygiénistes ou corsetés sur la langue se déploie une politique du sens, qui invite à la prolifération des discours. Une politique du sens qui incite à s’installer en langue et à tenir.

J’ai lu le livre. La position de Julie Abbou est claire et intéressante. Notamment elle fait un historique du concept d’« écriture inclusive » qu’elle replace dans trente ans de travail conceptuel inter-religieux aux USA et ailleurs. Donc oui, « émancipation plutôt qu’inclusion », dans le sens où l’inclusion issue de ce concept consiste à rendre les églises de diverses obédiences plus attractives pour les femmes.

Quant au « tumulte », al s’agit de « déranger » la lecture là où le masculin ne devrait pas l’emporter sur le féminin et mettre en exergue la misogynie de la langue. J’ai laissé ma copie à @Alpheratz du coup je ne peux m’appuyer dessus pour faire des citations précises. Je note cependant deux choses : l’une, que l’øn retrouve chez Noémie Grunewald (à suivre) concernant la filiation du « masculin l’emporte sur le féminin » (Sur les bouts de la langue, p.98-99) qui me semble plus précisément sourçæ chez Grunewald (à vérifier) ; l’autre, c’est une interrogation qui reste pour moi (chez les deux autrices) sur l’usage (qu’elles ignorent toutes les deux) du système al. En effet, si le jeu est le tumulte, qu’en est-al de l’émasculation de la langue (que j’appelle par ailleurs lu réagenrement de la langue), dans le sens de l’élimination du genre masculin lorsqu’il s’adresse à des personnes, par exemple en préférant « autaire » à « auteur ou autrice » ? – Je reste prudenx en ajoutant que, selon ce qu’encourage Grunewald dans la traduction, c’est le marquage sélectif du genre qui importe. (Je développerai plus tard.)