Ça peut servir par les temps qui courent, un article qui permet de bien qualifier le fascisme et comment il se met en place dans les sociétés et au travers des mouvements sociaux.
Notamment en présentant les différentes stratégies de renversement conceptuel, et la constatation que:
"Les régimes libéral et fasciste ne s’opposent pas comme s’opposeraient la démocratie et la domination. Dans les deux cas est obtenue la soumission des prolétaires, des femmes et des minorités ; dans les deux cas se déploient et se perpétuent des rapports imbriqués d’exploitation et de domination, et toute une série de violences associées inévitablement et structurellement à ces rapports ; dans les deux cas se maintient la dictature du capital sur l’ensemble de la société. "
“Le passage aux méthodes fascistes est toujours précédé par un ensemble de renoncements, par la classe dominante elle-même, à certaines dimensions fondamentales de la démocratie libérale. Les arènes parlementaires sont de plus en plus marginalisées et contournées, à mesure que le pouvoir législatif est accaparé par l’exécutif et que les méthodes de gouvernement deviennent de plus en plus autoritaires (décrets-lois, ordonnances, etc.). Mais cette phase de transition entre démocratie libérale et fascisme passe surtout par la limitation croissante des libertés d’organisation, de réunion et d’expression, ou encore du droit de grève.”
" Le fascisme constitue une contre-révolution « posthume et préventive »[6]. Posthume dans la mesure où il se nourrit de l’échec de la gauche politique et des mouvements sociaux à se hisser à la hauteur de la situation historique, à se constituer en solution à la crise politique et à engager une expérience de transformation révolutionnaire. Préventive parce qu’il vise à détruire par avance tout ce qui pourrait nourrir et préparer une expérience révolutionnaire à venir : organisations explicitement révolutionnaires mais aussi résistances syndicales, mouvements antiraciste, féministe et LGBTQI, lieux de vie autogérés, journalisme indépendant, etc., autant dire la moindre forme de contestation de l’ordre des choses."
"La victoire du fascisme est le produit conjoint d’une radicalisation de pans entiers de la classe dominante, par peur que la situation politique leur échappe, et d’un enracinement social du mouvement, des idées et des affects fascistes. "
“Pour le dire simplement, la fascisation de la police ne s’exprime et ne s’explique pas principalement par la présence de militants fascistes en son sein, ou par le fait que les policiers votent massivement pour l’extrême droite (en F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒ et ailleurs), mais par son renforcement et son autonomisation (notamment des secteurs préposés aux tâches les plus brutales de maintien de l’ordre, dans les quartiers d’immigration, contre les migrant·es et secondairement dans les mobilisations). Autrement dit, la police s’émancipe de plus en plus du pouvoir politique et du droit, c’est-à-dire de toute forme de contrôle externe (sans même parler d’un introuvable contrôle populaire).”
" L’antifascisme fait de la lutte politique contre les mouvements d’extrême droite un axe central de son combat, mais il doit se donner aussi pour tâche de favoriser l’action commune des subalternes et d’enrayer le processus de fascisation, autrement dit de saper les conditions politiques et idéologiques dans lesquelles ces mouvements peuvent prospérer, s’enraciner et croître, de briser tout ce qui favorise la diffusion du poison fasciste dans le corps social. Or, si l’on prend au sérieux cette double vocation de l’antifascisme, alors celui-ci doit être conçu, non comme une lutte mono-thématique contre l’extrême droite organisée, qui fonctionnerait indépendamment d’autres luttes (syndicale, anticapitaliste, féministe, antiraciste, écologiste, etc.), mais comme le revers défensif du combat pour l’émancipation sociale et politique, ou de ce que Daniel Bensaïd nommait politique de l’opprimé."
“On voit à quel point le défi, pour l’antifascisme, n’est pas simplement de nouer des alliances avec les militant·es d’autres causes, qui laisseraient chaque partenaire inchangé, mais de redéfinir et d’enrichir l’antifascisme à partir des perspectives qui émergent au sein des luttes syndicales, anticapitaliste, antiraciste, féministe ou écologiste, tout en nourrissant ces dernières de perspectives antifascistes. C’est à cette condition que pourra se renouveler et progresser l’antifascisme, non comme un combat sectoriel, une méthode particulière de lutte ou une idéologie abstraite, mais comme sens commun imprégnant et impliquant l’ensemble des mouvements d’émancipation.”
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