Je vous propose cet article d’Evgeny Morozov, éternel pessismiste, mais aussi cruellement réaliste :
Le Covid-19 est à l’État solutionniste ce que les attentats du 11-Septembre sont à l’État de surveillance
En vérité, Morozov ne fait que poser des mots sur ce que les petites singularités et réseaux associés clament sans discontinuer depuis des années.
Que penser alors de l’urgence sanitaire actuelle ? Ceux qui placent leur espoir dans le potentiel transformateur et émancipateur de la crise du Covid-19 risquent de vite déchanter. Non pas que nos attentes soient excessives, les interventions proposées comme le revenu de base universel et le Green New Deal sont raisonnables et tout à fait nécessaires. Cependant, on sous-estime la résilience du système actuel tout en surestimant la capacité des idées à changer le monde en l’absence d’infrastructures solides et robustes sur le plan technologique et politique, qui permettraient de les mettre en œuvre.
La question au cœur du nouveau débat politique ne devrait pas être « quelle force, de la social-démocratie ou du néolibéralisme, est la plus à même de maîtriser les forces de la concurrence de marché ? », mais bien plutôt « quelle force saura tirer profit des immenses opportunités qu’apportent les technologies numériques en termes de nouvelles formes de coordination et de solidarité sociales ? »
Les infrastructures telles qu’elles existent sont malheureusement celles de la consommation individuelle, et non de l’assistance mutuelle et de la solidarité. Comme toute plateforme numérique, elles peuvent être utilisées à des fins diverses, comme le militantisme, la mobilisation et la collaboration, mais de tels usages se paient souvent au prix fort, même si cela ne se voit pas.
Voilà de bien frêles fondations pour un ordre social qui ne soit ni néolibéral ni solutionniste, et qui devra nécessairement être peuplé par des acteurs autres que les consommateurs, les start-ups et les entrepreneurs.