Bonjour !
J’interviens tardivement dans la préparation de la prochaine rencontre. Désolé ! Je vous livre néanmoins quelques pistes qui, peut-être, pourraient être pertinentes pour la suite.
Je me suis lancé depuis 3 mois dans un travail d’écriture autour de la question de la réduction et de l’annulation des différentes formes de dette (location, crédit à la consommation, crédit aux entreprises, dettes publiques et finance). J’écris sur cette question avec comme perspective de proposer différents outils de lutte, théoriques et pratiques, sur la dette. Comme exemple concret d’actions à mener sur ces questions de dette, je pensais justement à l’idée d’annulation de la dette des hôpitaux.
Les idées de réduction et d’annulation des dettes me paraissent intéressantes, notamment parce qu’elles permettent d’opérer un déplacement dans la manière d’aborder les questions économiques et financières. En règle générale, les luttes sociales revendiquent des augmentations : augmentations des salaires, augmentations du financement des budgets de la sécurité sociale, augmentations des fonds alloués à la protection de l’environnement, etc. Les luttes portant sur les dettes visent, à l’inverse, des réductions : réductions des loyers, réductions des intérêts à payer, etc. Ce type de luttes vise une diminution du poids des différentes formes de dette pesant sur les individus, les entreprises et les organismes publics. Ces deux perspectives ne s’opposent évidemment pas. Elles sont complémentaires. Réduire une dette, quelle qu’elle soit, procure automatiquement autant de moyens financiers supplémentaires, qui ne sont plus consacrés à un remboursement. Les réductions et annulations des dettes ne règlent évidemment pas tout mais les enjeux financiers qui y sont liés sont en général très importants. Des « mesures d’économie » portant sur les dettes permettent ainsi de libérer des sommes bien plus importantes que ce qui pourrait être obtenu grâce à des seuls refinancements. Ce qui n’empêche évidemment pas de revendiquer par ailleurs des moyens financiers supplémentaires. Je songe par exemple aux revendications de réduction des loyers portées par différentes associations et collectifs, qui soulageraient le budget de bon nombre de gens. Ce type de mesures serait autrement plus efficace que les aides financières d’urgence données à ceux et celles qui sont les plus durement frappés par la crise, comme aux États-Unis avec les chèques estampillées Donald Trump.
Il en va de même des dettes des hôpitaux. Celles-ci constituent une charge considérable dans leur budget. Avec la crise du Coronavirus, ces dettes vont s’accroître dans des proportions vertigineuses. Aux premiers jours de la crise, Maggie De Block avait annoncé qu’elle « avançait » un milliard d’euros aux hôpitaux pour lutter contre la pandémie. Cela signifie donc que, pour le gouvernement belge, les hôpitaux devront rembourser cet argent, d’une manière ou d’une autre. Ces dettes contraignent les hôpitaux à être toujours plus « rentables » et à réduire en conséquence leurs dépenses : réduction des emplois, diminution du nombre de lits, conclusion de partenariats public-privée, etc. Pour honorer le service de leurs dettes, les hôpitaux en arrivent à adopter des méthodes de gestion dignes de start-ups. D’une manière générale, la dette est en effet l’un des principaux instruments pour imposer les principes du néolibéralisme, que ce soient dans la santé ou dans les autres champs de la société.
Réduire, voire annuler les dettes des hôpitaux, en particulier celles consécutives à la crise du Coronavirus, me paraît une mesure de bon sens, compréhensible par tout un chacun. La réduction et l’annulation des dettes hôpitaux procuraient autant de moyens financiers pour augmenter les salaires des soignants et améliorer la qualité des soins. La revendication a également le mérite de la simplicité : juste quelques lignes à rayer dans des bilans comptables. Concrètement, la dette des hôpitaux devrait être, selon moi, intégralement reprise par l’État. Annuler la dette des hôpitaux serait un premier moyen pour soustraire la santé des jeux du marché. En France, la réduction de la dette des hôpitaux est d’ailleurs l’une des seules mesures que le personnel soignant en lutte a approuvé dans ses discussions avec le gouvernement sur l’avenir des hôpitaux.
Tout ça pour vous proposer comme axe de travail pour une prochaine rencontre, celle à venir ou plus tard, d’approfondir cette idée d’annulation de la dette des hôpitaux comme moyen de refinancer les soins de santé. Je n’ai pas encore eu l’occasion de creuser beaucoup la problématique en ce qui concerne les hôpitaux mais je suppute qu’il y aurait 1001 arguments à faire valoir en ce sens. Ce travail collectif pourrait prendre de nombreuses formes. Il pourrait passer, par exemple, par la poursuite de recherches sur le financement des hôpitaux et de leurs dettes, un questionnement collectif sur les moyens de faire valoir cette idée d’annulation des dettes des hôpitaux, des rencontres avec le personnel soignant, l’élaboration de cahier de revendications ou encore de beaux slogans. Si l’envie est là, cela pourrait également prendre la forme d’actions concrètes de solidarité avec le personnel soignant devant les hôpitaux. Pour ma part, j’imaginais un rassemblement où l’on brûlerait les dettes des hôpitaux. Ou encore organiser un audit symbolique de la dette des hôpitaux avec des experts comptables, en costume, qui concluraient à la nécessité d’une annulation des dettes. Il y aurait bien des actions possibles à entreprendre, y compris passant par internet.
Quand vous voulez pour en parler…
A tout bientôt en tout cas.
Alexis