Portefeuille de lectures (proposition de Paul H.)

En lecture #0, décembre 2019

  1. Quelques propositions de textes et d’articles parus en décembre 2019, en rapport avec les enjeux des actrices, des acteurs et du pays dans le pays.

#1. Paru dans Ballast, Dépasser les limites de la collapsologie, 27 décembre 2019, par Jérémie Cravatte

EXTRAIT (…) « Les collapsos ont raison de rappeler les profondes interconnexions et, souvent, les fragilités des chaînes d’approvisionnement à flux tendu, réseaux de communication, centrales énergétiques, modes de transport, systèmes alimentaires… dont dépend actuellement une partie conséquente de la population mondiale. En revanche, ils ont tort de présenter la situation à venir comme un grand effondrement. Cet effondrement inéluctable serait systémique, global, total, final, ultime, mondial, généralisé… Il y aura — il y a — des événements majeurs, des accélérations exponentielles, des catastrophes inconcevables qui en entraîneront d’autres ; dans 10 ans, la Terre n’aura déjà plus rien à voir avec celle d’aujourd’hui. « Mais cette fois-ci, c’est différent » : en effet. Il n’y a toutefois pas à attendre de grand « big one », le point de rupture imaginaire qui nous ferait basculer dans un autre monde, dans un autre état. Les choses se font dans une continuité, sans interrupteur, sans table rase de l’existant. Il n’y aura pas un gigantesque effet domino généralisé (la « perfect storm ») — lequel, dans l’analyse effondriste, n’est d’ailleurs jamais détaillé ni décomposé jusqu’au bout : il y en a de nombreux, diversifiés. Cela peut être rassurant de penser avoir saisi l’ensemble des basculements en cours avec un unique récit totalisant, mais la réalité s’avère autrement plus complexe. On pourrait objecter que, si certains se perdent à dater « l’événement » (Cochet le voit d’ici 2030), la plupart nuancent leur propos en spécifiant à l’occasion qu’il s’agit d’un processus diffus, étalé dans le temps et l’espace, hétérogène (Pablo Servigne et Raphaël Stevens). D’autres, encore, que leur pertinence range dans l’exception, lèvent presque entièrement la confusion (Corinne Morel Darleux). Le problème ? Tout et son contraire sont avancés : une fois, ce fameux effondrement serait déjà en cours ; une autre, il aurait probablement lieu avant 2025, et de manière certaine avant 2030… Pareilles nuances pèsent peu face au message principal que le public retient.

« Pour un public de plus en plus large, la question n’est plus de savoir si le collapse va arriver, mais quand. » (Dylan Michot, Loic Steffan et Pierre-Eric Sutter — OBVECO)

« Et si le terrible effondrement général de notre civilisation, le collapse dont tout le monde parle en ce moment, avait vraiment lieu bientôt ? » (CANAL+)

Cette rupture fantasmée9 détourne de l’essentiel : les conditions matérielles existantes, qui définissent la suite et qui sont ce sur quoi nous avons prise. La capacité à faire face aux catastrophes dépend en grande partie des choix de société, eux-mêmes traversés de conflits. Ces choix sont en mouvement (des priorités faites et défaites) ; c’est cela que le discours fourre-tout de l’effondrement tend à invisibiliser10. C’est un « récit sans peuple ». » (…)

°Si l’article vous intéresse : BALLAST • Dépasser les limites de la collapsologie

#2. Paru dans Lundi Matin, Seulement nous, l’écologie contre l’Etat, 30 décembre 2019, par Frédéric Neyrat

EXTRAIT (…) « Nous, et personne d’autre ». - Il y a une scène bouleversante dans le dernier film de Todd Haynes, Dark Waters (2019), qui montre comment des produits toxiques utilisés dans la production de Teflon ont été déversés dans le fleuve Ohio. L’avocat, qui est passé du camp des multinationales à celui des paysans et riverains exposés aux substances toxiques génératrices de cancers, déclare : « Le système est truqué. Ils veulent nous faire croire que ce système nous protégera mais c’est un mensonge : nous nous protégeons, nous, et personne d’autre » [1].

Un tel désarroi recoupe un sentiment partagé : nous sentons bien, nous expérimentons chaque jour que les gouvernements, pour ne pas même parler des multinationales, ne nous protègent pas – et, plus encore, ne cherchent pas à nous protéger. La COP25, dernier en date des sommets consacrés aux changements climatiques, a abouti à une absence totale de mesures. Il y a encore quelques années, les gouvernements assemblés auraient au moins fait croire à des mesures, des intentions ou des plans à long-terme (réduire les émissions de CO2 à l’horizon 2173, et le tout-solaire programmé pour 2456, juste après la colonisation de Neptune). Mais ces faux-semblants sont tombés ; ne reste que la vérité politique de notre temps : il n’y a rien à attendre des gouvernements. Or cette vérité en dissimule une autre, plus surprenante : les gouvernements, eux-non plus, n’attendent plus rien de nous ». (…)

° Si l’article vous intéresse : Seulement nous: l'écologie-contre-l'État

#3. Paru dans la revue Terrestres, Les vertus climatiques de la grève générale, 20 décembre 2019, par Quentin Hardy & Pierre de Jouvanvourt

EXTRAIT (…) « Dès lors, que faire ? Ce qui est certain, c’est que face aux maigres résultats, relativement à la hauteur des enjeux, des mouvements climats et écologistes des deux premières décennies du XXIe siècle, l’heure est à la remise en question et à la transformation des pratiques militantes13. Si les grandes manifestations climatiques et les nombreuses demandes adressées aux gouvernants se sont révélées inopérantes, faut-il engager des campagnes de désobéissance civile : blocages, affichage subversif, détérioration choisie de biens privés ? La gravité de la situation historique nous autorise-t-elle à nous en prendre aux infrastructures énergétiques, bureaucratiques, logistiques, stratégiques ? Ces questions ne flottent pas dans le ciel éthéré des idéaux militants, mais correspondent à des pratiques auxquelles nous sommes toutes et tous conviés depuis quelques mois : blocage du quartier de La Défense, de centres commerciaux, de centres logistiques d’̸͉̟̔̇Ā̶͚̫͠m̸̨̛̻͠Î̷͚͑G̴͍͋͝o̵̙͎͐n̷̪̾̏e̵͚͐, de mines de charbon, sabotage de trottinettes électriques, grèves scolaires, instaurations spontanées de ZAD, tentatives d’imposer des pactes écologiques aux élections municipales, etc.

S’accompagnant d’une substantielle augmentation du nombre de personnes engagées, ces multiples mouvements ne visent plus des aménagements de la politique majoritaire. La question qui traverse les mouvements climat et les mouvements écologistes est alors la suivante : prenant au sérieux la puissance des logiques destructrices à l’œuvre, comment faire advenir un profond changement institutionnel ou politique ?

Or, au beau milieu de la phase ascensionnelle de ces mouvements, voici que l’actualité nous rappelle à nos fondamentaux : la grève générale ».

° Si l’article vous intéresse : Les vertus climatiques de la grève générale

  1. Suites, nouvelles et rebonds de dossiers suivis par les actrices et les acteurs

A propos de la 5G

La 5G en retard en Belgique: “Sans la 5G, le réseau sera totalement saturé d’ici fin 2020” : La 5G en retard en Belgique: "Sans la 5G, le réseau sera totalement saturé d’ici fin 2020" | RTL Info

Le patron de Swisscom ne peut que constater les contradictions autour de la 5G… : Le patron de Swisscom constate les contradictions autour de la 5G...

5G : le premier aéroport belge aura son propre réseau privé en mars 2020 : Clubic - La meilleure source d'information Tech

5G: la présidente de la Commission européenne a encore des réserves à propos de Huawei : 5G: la présidente de la Commission européenne a encore des réserves à propos de Huawei - La Libre

Il est urgent d’arrêter le déploiement de la 5G : http://www.kairospresse.be/article/il-est-urgent-darreter-le-deploiement-de-la-5g

A propos des marches

Sur la situation du bois de Harre, voir le compte-rendu d’Albert Stassen dans itinéraires Wallonie : https://www.itineraireswallonie.be/chf/chemfais31.pdf

En lecture #1, février 2020

  1. Quelques propositions de textes et d’articles parus en janvier 2020, en rapport avec les enjeux des actrices, des acteurs et du pays dans le pays.

# 1. Paru dans Lundi Matin, Je suis la grève face à vous, la colère partout ruinée mais déchaînée, 17 janvier 2020 par Cléone.

EXTRAIT (…) Je suis Cléone et on ne me rattrapera jamais… Je suis marronne, je suis le chœur du Bloc. Je suis le cortège qui bille en tête vous a renversé et vous renversera encore.

Je suis la grève, celle que j’ai foulé il y a des siècles, le corps hagard, rompu et enchaîné, mais vivante. Je suis la fuite, l’échappée. Je suis la rapine, la ruse, l’incendie, le poison, la machette retournée contre vos gorges. Je suis la rumeur des soulèvements du passé parvenue jusqu’à vous. Les mornes, les oasis, les communes, les landes, les friches, les squats sont ma terre. Le monde qui vous survivra est un Quilombo.

Je suis le spectre de la révolution.

Mon esclavage, mon labeur, ma vie vous a nourri, soigné, blanchi et élevé, lavé, éduqué, transporté et diverti. Ma sueur, mon sang, mon sexe vous ont assez enrichis. A mon tour, je veux vous affamer.

Je suis la grève face à vous, la colère partout, ruinée mais déchaînée. Je suis désespoir, joie et fureur. Je suis la pénurie, le blocage, le sabot dans le rouage de la machine, je suis le train arrêté en pleine voie, le piquet de grève, le bateau à quai, l’occupation, l’amoncellement de palettes, de pneus, la barricades de chaises, le fumigène, le bris de verre… je suis l’obscurité du courant coupé.

Je suis lucidité.

Je suis nue ; sans robe noire, sans blouse blanche, sans cartable et sans livre, sans outils et sans arme… Je vous les jette à la gueule. Je suis combattante : danseuse, chanteuse et musicienne aux marches de vos palais, je suis solidarité.

Je suis celle qui t’aide à te relever en pleine embuscade, à t’échapper de la nasse, à revenir ensemble à la charge. Je suis Street Medic.

Je suis réalité.

Je suis le butin, la caisse de grève, le nerf de la guerre. Je suis condition d’existence.

Je reprends corps. Vous allez battre en retraite.

Je suis sans boulot. Exploitée, dépouillée, endettée, édentée, je suis celle qui dort dans sa voiture, qui roupille dans la rue, qui vole dans vos poubelles ; celle qui crève en EPHAD. Je suis votre bilan politique.

Des lustres à ingurgiter vos éléments de langage, vos flux d’images, vos insultes, vos imaginaires, vos dénis, vos trahisons, vos comptages, vos indignations, vos mépris, vos manipulations, vos compassions. Vous êtes nauséabonds.

Je vomis votre pouvoir d’achat, votre Etat de droit, votre rétablissement de l’ordre, votre universel, vos politiques d’égalité, votre épouvantail d’âge pivot, vos coupes budgétaires, vos fonds de pension, vos dividendes, votre PIB, votre société de consommation, votre plastique sur vos produits bio, vos RIO, vos tribunaux, votre Europe, vos privatisations, vos armées, vos pillages, vos saccages, votre morale, votre humanisme, vos humanitaires, vos égouts et vos décharges. Je suis lutte des classes.

° Si l’article vous intéresse : « Je suis la grève face à vous, la colère partout, ruinée mais déchaînée »

#2. Paru dans Médiapart, 27 janvier 2020, «Green New Deal»: comment transposer les propositions d’AOC en Europe » par Romaric Godin

EXTRAIT (…) Alors que débute la campagne électorale pour les primaires démocrates, où ses idées sont au cœur du projet de Bernie Sanders, la théorie moderne de la monnaie ( « Modern Monetary Theory » ou MMT) tente de se faire connaître en F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒. Vendredi 17 janvier, à la Maison des sciences humaines Paris nord de Saint-Denis, devant plusieurs économistes et le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez, une des principales représentantes de cette école de pensée, l’économiste étatsunienne d’origine bulgare Pavlina Tcherneva, est venue présenter le « Green New Deal » et son complément, la « garantie de l’emploi » ( « job guarantee » ), proposés outre-Atlantique par la représentante Alexandria Ocasio-Cortez (AOC).

L’aura médiatique de cette dernière a beaucoup fait pour la popularité de cette proposition, mais son sous-jacent économique, la MMT, reste largement un angle mort en Europe et en F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒. Il n’existe pas dans l’Hexagone d’économistes se revendiquant officiellement de la MMT. Néanmoins, ce courant intéresse désormais les milieux hétérodoxes français et le séminaire de Saint-Denis était, d’ailleurs, organisé par deux économistes de l’université Paris-XIII, l’un post-keynésien, Dany Lang, l’autre, marxiste, Cédric Durand.

Pourtant, sans ce sous-jacent théorique, le « Green New Deal » ne serait plus qu’un simple plan de relance peu ambitieux. À cet égard, le plan de la Commission européenne baptisé « Green Deal » montre que le cadre théorique importe. Limité par son budget et les contraintes des traités européens, il ne devrait pas être un élément clé du changement dans la transition écologique.

Dans son intervention, Pavlina Tcherneva a mis en évidence le lien entre « Green New Deal » , garantie de l’emploi et MMT. Le « Green New Deal » est un projet de grande envergure visant à changer de paradigme et qu’elle compare volontiers aux mesures du New Deal rooseveltien. « Cet exemple montre que l’on peut changer rapidement un paradigme » , précise-t-elle. Ce plan s’appuie sur trois grands axes : des investissements massifs et rapides, une stratégie industrielle ambitieuse pour basculer dans une production « propre » et la garantie de l’emploi.

Ce dernier élément est clé. La garantie de l’emploi est l’articulation nécessaire entre l’ambition environnementale et l’exigence sociale qui est au cœur du projet. De quoi s’agit-il ? Comme cela a déjà été expliqué sur Mediapart, il s’agit de fournir un emploi rémunéré à un salaire « décent » à tous ceux qui désirent travailler. Dans l’esprit du « Green New Deal » , ces emplois sont financés par le gouvernement, mais déterminés par les collectivités locales en fonction de leurs besoins. C’est, au reste, un des éléments les plus importants de ce projet : la proposition d’emploi garanti s’accompagne d’une définition des besoins, notamment en matière écologique, mais pas seulement. Or, cette réflexion est indispensable au combat commun contre le réchauffement climatique et les inégalités.

° Si l’article vous intéresse : «Green New Deal»: comment transposer les propositions d’AOC en Europe | Mediapart ou une copie sur demande

#3. Paru dans la revue Terrestres, 27 janvier 2020, «Loose F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒ : parce que c’est notre projet » par un collectif d’écologistes et d’activistes (dont la ZAD d’Arlon)

Lundi 20 janvier au Château de Versailles, le président Macron a accueilli lors du sommet « Choose F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒ » 200 magnats de l’industrie dont les PDG de Total, Coca-Cola, Netflix ou encore General Electric. Le projet est simple : les inviter à participer à la « reconquête industrielle » des territoires français en leur offrant douze sites dits « clés en main ». Un véritable « prêt-à-construire » au nom de l’attractivité et de la compétitivité, toutes les études obligatoires à mener en amont d’une installation ayant déjà été prises en charge par les collectivités territoriales. De plus, le gouvernement ne compte pas s’arrêter là : jusqu’à cinquante sites de ce genre seront révélés dans les prochains jours.

Nous appelons à une opposition nombreuse et forte contre le projet du gouvernement d’industrialisation des douze sites français par des investisseurs étrangers. Les menaces locales et globales qu’il fait peser sur l’environnement et les populations habitant à proximité des sites appellent à lutter localement et de manière coordonnée contre ces grands projets inutiles et imposés.

L’accélération des procédures d’installation mène à une invisibilisation des projets, qui rend superflue toute tentative de débat : une fois révélés, ils sont déjà sur le point d’être réalisés. L’opposition et la revendication des intérêts des habitant-e-s et de l’environnement en sont d’autant plus entravées, sinon rendues impossibles : l’information de la population en amont par l’organisation de campagnes citoyennes, la tenue de débats publics ou le lancement de pétitions sont un travail de longue haleine, encore plus long quand il s’agit de la réalisation de contre-études par des collectifs indépendants.

° Si l’article vous intéresse : Loose France : parce que c'est notre projet !

#4. Paru dans la revue Ballast, Le Rojava n’est pas mort, 21 janvier 2020, par Sylvain Mercadier

EXTRAIT (…) Février 2018. J’embarque dans un bus avec un convoi de mili­tants en direc­tion du can­ton auto­nome d’Afrin. Ils veulent appor­ter leur sou­tien à la popu­la­tion locale, mena­cée par l’offensive turque. Partis de Qamishlo, au nord-est de la Syrie, nous tra­ver­sons la plaine aride du pays jus­qu’aux vertes col­lines d’Afrin. Les forces armées kurdes des Unités de pro­tec­tion du peuple (YPG) et de la femme (YPJ) mènent une résis­tance achar­née face aux troupes turques et à leurs mer­ce­naires rebelles et isla­mistes syriens, en mobi­li­sant les tac­tiques de la gué­rilla dans les maquis et les champs d’oliviers. Mais, confron­tés qu’ils sont aux drones et aux frappes aériennes quo­ti­diennes de la deuxième armée de l’OTAN, leurs moyens sont bien limi­tés…

Dans le bus, on compte de nom­breux Syriens, prin­ci­pa­le­ment kurdes, ain­si que des inter­na­tio­na­listes venus cou­vrir la lutte pour des médias indé­pen­dants. Il y a éga­le­ment Sardar. Difficile de savoir qui il est. Manchot, taci­turne, le jeune homme res­te­ra au second plan une bonne par­tie du tra­jet — poi­gnet dans la poche, regard acé­ré bra­qué sur l’horizon. « Sardar ? C’est un mili­tant turc du MLKP [Parti com­mu­niste mar­xiste-léni­niste]. Il a fait la guerre contre l’armée turque par le pas­sé. C’est comme ça qu’il a per­du sa main. Il veut aller rejoindre les YPG pour la com­battre à nou­veau », me glisse-t-on. Je ne le regar­de­rai plus dès lors de la même manière. Le mutisme du par­ti­san imberbe, qui a pro­ba­ble­ment moins de 20 ans, cache donc un vol­can qui ne demande qu’à entrer en érup­tion. « Il ne rêve que d’atteindre le front et d’en découdre avec les tché­tés 1 », me dit-on encore. Nous péné­trons dans le can­ton kurde dans la nuit du 22 février. Il reste une quin­zaine de kilo­mètres avant d’at­teindre Afrin-ville, la capi­tale. Soudain, un mor­tier tombe non loin de nous. Sardar se mue subi­te­ment en chef de guerre. Les quin­qua­gé­naires à bord suivent ses ins­truc­tions à la lettre : sa voix fluette n’est plus qu’un tor­rent d’injonctions auto­ri­taires. « Tous à plat ventre ! Écartez-vous des fenêtres ! », lance-t-il en fai­sant de grands gestes. Le bus s’ar­rête près du vil­lage de Basouteh ; Sardar somme les jeunes de s’a­bri­ter entre le véhi­cule et un mur afin d’é­vi­ter les éclats de mor­tier en cas de nou­veaux tirs. Mais c’est une frappe aérienne qui à l’ins­tant même nous atteint. J’ai enten­du le mis­sile, tiré d’un avion de chasse pas­sé en piqué au-des­sus de nous : la bombe sou­lève une gigan­tesque gerbe de pierres qui retombent sur notre cor­tège — un mort, plu­sieurs bles­sés. Le convoi cède majo­ri­tai­re­ment à la panique ; Sardar, impas­sible, s’efforce de don­ner des consignes pour limi­ter les risques. Tout le monde s’enfuit. L’armée turque sur­veille la scène via ses drones : elle peut frap­per n’importe où, n’importe quand.

° Si l’article vous intéresse : BALLAST • Le Rojava n'est pas mort

  1. Suites, nouvelles et rebonds de dossiers suivis par les actrices et les acteurs

A propos de la 5G

https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/01/29/risques-de-la-5g-huawei-le-commissaire-europeen-thierry-breton-devoile-la-position-de-l-europe_6027655_3234.html et une version complète est disponible sur demande

Et ceci à écouter : 5G, pour quelques gigas de plus

En lecture #2, mars 2020

  1. Quelques propositions de textes et d’articles parus en février 2020, en rapport avec les enjeux des actrices, des acteurs et du pays dans le pays.

# 1. Paru dans AOC, Reconnaissance faciale : envisager le portrait, 13 février 2020 par Isis Von Plato

EXTRAIT (…) La F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒ expérimente différents systèmes de reconnaissance faciale. Elle est le premier pays d’Europe à s’y intéresser d’aussi près. Outre le million et demi de caméras de surveillance « classiques » déjà installées sur l’ensemble du territoire français, certaines municipalités enregistrent les visages et comportements pour alimenter et interroger une base de données.

Par ailleurs, le ministère de l’intérieur a désormais recours à une application de reconnaissance faciale pour certaines démarches administratives. Alors que la surveillance avance à bas bruit dans l’espace public, on se trouve de plus en plus confrontés à un pouvoir sans visage, à l’absence d’interlocuteurs identifiables dans de nombreux rapports sociaux et économiques. Entre contrôle des visages d’un côté et absence de visage de l’autre, des questions éthiques se posent : qu’est-ce qu’un visage dit de la personne qui le porte ? Qu’est-ce qu’il engage dans la relation à l’autre ?

Le sujet de la reconnaissance faciale est dans le débat public, plusieurs articles sont parus fin 2019[1]. Ils font état des expérimentations en cours et des batailles judiciaires engagées par la société civile à l’encontre de municipalités qui en ont pris l’initiative. Tous ces articles pointent l’urgence d’une réflexion à mener si nous voulons que l’humain reste décisionnairece aux innovations technologiques et à leurs conséquences dans nos vies. On peut effectivement craindre que la pression des industriels et de la demande sécuritaire nourrie par quelques pouvoirs politiques fasse vaciller le socle de certaines valeurs démocratiques.

On pourrait se croire à l’abri des façons de procéder en Chine, pays vers lequel les regards se tournent lorsqu’il s’agit de reconnaissance faciale. Alors qu’en Occident, on essaierait de fixer un cadre juridique en amont des innovations technologiques, les Chinois feraient l’inverse : le gouvernement inciterait entrepreneurs et chercheurs à innover, quitte à réguler a posteriori . Mais d’autres sources nous montrent que nous ne sommes pas si éloignés de la situation chinoise. Si la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) peut encore exercer son pouvoir de sanction, il n’est plus nécessaire, depuis mai 2018 et l’entrée en vigueur du nouveau Règlement général sur la protection des données, de consulter la CNIL avant d’expérimenter la reconnaissance faciale. (…)

° Si l’article vous intéresse : Reconnaissance faciale : envisager le portrait - AOC media

#2. Paru dans Terrestres, Comment sauver la planète ? La fuite en avant des investissements verts, 6 février 2020, par Nelo Magalhaes

EXTRAIT (…) Comment sauver la Planète ? Aux petits gestes individuels « éco-citoyens » s’ajoutent désormais les grandes résolutions : finance verte, marché carbone, taxes vertes, banque centrale verte, green bonds , GreenNew Deal , etc. Depuis au moins 25 ans, grandes institutions internationales, ONG, milliardaires, think tanks influents, etc., tous cherchent à réorienter les flux de capitaux vers le « secteur vert » pour qu’enfin advienne une économie « verte ». Pour cette communauté hétéroclite, le « changement de trajectoire » passe nécessairement et prioritairement par des « investissements verts ». Loin d’être inédite, la question « du financement » est largement débattue depuis le début des années 1990 et l’avènement du « développement durable » (puis de la « croissance verte ») comme concept clé des grandes messes internationales sur le thème de l’écologie : finance verte lors du One Planet Summit à Paris (2017), Fonds Vert pour le Climat à Copenhague (2009), marché du carbone à Kyoto (1997), écotaxe européenne (abandonnée) à Rio (1992), etc.

Combien ? Les chiffres varient de façon spectaculaire selon les trajectoires visées, les secteurs à verdir, les institutions et les périodes prises en compte. Il fallait trouver 100 Mds$ / an d’ici 2020 à Copenhague (2009), là où la Cour des Comptes Européenne préconise 1115 Mds€ / an entre 2021 et 2030. Pour la F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒, la « stratégie bas-carbone », appuyée par la Programmation pluriannuelle de l’énergie de 2016, estime à 60 Mds € /an les investissements « nécessaires à la transition », en cela proche de l ’Institute 4 Climate Economics . Le Green New Deal européen ? 1300 Mds € pour l’économiste Alain Grandjean, alors que la Commission Européenne propose 180 Mds € /an d’ici 2030. Le New Climate Economy monte à 270 Mds $ par an pour la période 2015–2030, là où Bloomberg New Energy Finance se contente de 200 Mds $ / an entre 2016 et 2040.
Trop peu : l’agence internationale de l’énergie évalue à 900 Mds / an de 2010 à 2020 ; pour la même période, l’ONU propose de « verdir l’économie mondiale » pour une fourchette qui va de 1050 à 2590 Mds https://sustainabledevelopment.un.org/content/documents/126GER_synthesis_en.pdf). Les trillions – plutôt que les billions – pour le « bas-carbone », voilà le titre d’un rapport du CIRED (Sirkis, 2015). Qui dit mieux ?

S’ils existent, rares sont les auteurs qui osent affirmer que les trillons suffiraient, seuls , à nous « tirer » définitivement d’affaire, et qu’ils constitueraient une condition suffisante pour éviter le désastre écologique. Pourtant la plupart des travaux n’expliquent même plus pourquoi « il faut » des investissements verts (« Il en faut », c’est tout !). Est-ce une condition nécessaire ? Pourquoi le débat public se focalise-t-il tant sur ce point et cette représentation des crises ? (…)

° Si l’article vous intéresse : Combien pour sauver la Planète ?

#3. Paru dans Novethic, 25 février 2020, « Urgence climatique : le premier “éco-syndicat” va faire son entrée dans les entreprises françaises », par Marina Fabre

L’association Printemps écologique vient de lancer le premier “éco-syndicat” dans les entreprises françaises. Alors que le nombre de personnes syndiquées est de plus en plus faible en F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒ et que l’urgence climatique mobilise les citoyens, ce syndicat veut allier justice sociale et transition écologique. Pour cela, il va pénétrer dans onze entreprises dont cinq sociétés du CAC 40 dans les prochains jours et espère atteindre 100 sociétés d’ici la fin de l’année.

La CGT main dans la main avec Oxfam et Greenpeace pour défendre l’environnement. Ces alliances, autrefois impensables, tendent aujourd’hui à se multiplier. Face à l’urgence climatique, les syndicats traditionnels sont de plus en plus nombreux à intégrer les enjeux environnementaux dans leurs revendications, même si ce n’est pas leur coeur de leur lutte. Un nouveau syndicat, porté par l’association Printemps écologique, compte bien, quant à lui, faire de la transition écologique le sujet prioritaire des négociations collectives.

"Les nouvelles générations ne veulent plus seulement qu’on parle de leurs conditions de travail mais aussi de l’urgence climatique, des nouveaux modes de travail, des conséquences de leur travail sur la planète… ", explique Maxime Blondeau. Cet enseignant, spécialiste des mutations du travail, vient de cofonder Printemps écologique. L’association guide les salariés dans la création d’éco-syndicats dans les entreprises.

L’ambition est d’intégrer les enjeux environnementaux au dialogue social. Onze “syndicats verts” sont en cours de lancement dont trois dans des sociétés de moins de 50 salariés, trois dans des entreprises moyennes et cinq dans des sociétés du CAC 40. Le nom de ces dernières sera bientôt révélé. L’objectif est d’en créer 100 d’ici la fin de l’année et d’avoir 20 000 membres, contre 1 000 aujourd’hui.

L’association espère notamment attirer les jeunes et pouvoir travailler avec les syndicats traditionnels en créant des alliances. “Il s’agit d’être complémentaire. On autorise même la double adhésion. Mais l’enjeu est de faire venir des salariés qui n’ont pas de culture syndicale” , avance Maxime Blondeau. Par ailleurs, plusieurs associations dont Halte à l’obsolescence programmée ou Green IT ont développé des partenariats avec Printemps écologique.

L’association vise la promotion des pratiques écoresponsables à toute échelle, l’adaptation des modes de gouvernance à l’impératif écologique, l’anticipation des mutations de l’emploi pour concilier transition écologique et justice sociale ou encore la neutralité carbone dans chaque établissement. La question du modèle économique de l’entreprise sera un enjeu crucial.

“Le citoyen peut voter pour les représentants de son choix. Le consommateur responsable opte pour des produits de son choix. Mais le salarié peut-il choisir ? Peut-il dénoncer dans son travail des pratiques qui vont à l’encontre des objectifs climatiques et faire valoir en retour des alternatives respectueuses du vivant ? Non, il ne le peut pas” , estime Printemps écologique. "Parce que les salariés ne sont pas encore unis pour réclamer ces droits ", défend l’association.

Reste que “l’obsession écologique d’un syndicat” pourrait mener à la “division syndicale” , prévient dans une tribune publiée dans le Monde Jean-Emmanuel Ray, professeur à l’école de droit à la Sorbonne. Sauf que les futurs éco-syndicats ne devraient pas uniquement prendre en compte les questions environnementales dans leur périmètre. “On veut transformer l’appareil productif en priorisant l’impératif écologique mais sans sacrifier la justice sociale”, avance Maxime Blondeau.

° L’article est complet.

  1. Un retour vers le futur, pile poil au moment de Batibouw.

Paru dans le Monde Diplomatique, mai 2017, « Un monde de camps. Les réfugiés, une bonne affaire » par Nicolas Autheman

EXTRAIT (…) Les désastres humanitaires ne sont pas désastreux pour tout le monde. Cabinet d’audit, vendeur de cartes de paiement ou géant de l’ameublement : sitôt qu’un camp ouvre, des entreprises se précipitent pour profiter d’une « industrie de l’aide » dont le volume annuel dépasse 25 milliards de dollars. Comme dans tous les salons internationaux, les stands sont bardés d’affiches aux couleurs vives, de photographies aguichantes et d’hôtesses apprêtées. Des hommes en costumes cintrés échangent ostensiblement leurs cartes de visite. Parmi les présentoirs, de larges maquettes de conteneurs bien alignés ; des villes miniatures dans lesquelles règnent l’ordre et la propreté. « Je peux vous envoyer toutes les informations à propos de nos camps. Miniers, pétroliers, militaires ou de réfugiés : comme vous voulez », annonce fièrement Mme Clara Labarta, représentante de la société de logistique espagnole Arpa, à un homme qui se dit simplement l’envoyé d’un « gouvernement africain ». Derrière son stand, une large photographie d’un camp de base regroupant divers types de tentes et des hélicoptères. « Nous travaillons d’abord comme fournisseur d’équipements militaires pour le ministère de la défense espagnol, mais nous sommes ici pour comprendre le marché humanitaire. C’est un marché très complexe, avec toutes sortes d’agences », poursuit-elle.

La foire organisée parallèlement au premier Sommet humanitaire mondial de l’Organisation des Nations unies (ONU), en mai 2016 à Istanbul, a réuni avec force publicité plus de six cents exposants venus du monde entier. Elle témoigne d’une évolution assumée des organisations internationales chargées des camps de réfugiés : l’association de plus en plus étroite du secteur privé à l’action humanitaire. Plusieurs fois par an, à Dubaï ou à Bruxelles, de gigantesques salons commerciaux réunissent les grandes agences onusiennes, les organisations non gouvernementales (ONG) traditionnelles et des sociétés privées, de la jeune entreprise locale aux plus grandes multinationales. À Istanbul, les présentoirs de vendeurs de drones, lampes photovoltaïques ou kits alimentaires côtoyaient les stands des sociétés de services financiers MasterCard Worldwide ou des grands cabinets d’audit et de réduction des coûts en entreprise, Accenture et Deloitte. On passe sur la présence d’un émissaire de la société de notation en ligne de services hôteliers TripAdvisor à des tables rondes consacrées aux déplacements de populations réfugiées. (…)

° Si l’article vous intéresse : Les réfugiés, une bonne affaire, par Nicolas Autheman (Le Monde diplomatique, mai 2017)

  1. Suites, nouvelles et rebonds de dossiers suivis par les actrices et les acteurs

25 février. La demande de permis de classe 2 que prévoit de déposer prochainement une société Namuroise éclaire d’un jour nouveau la tentative de créer une nouvelle voie régionale entre la Meuse et la E411.Il s’agirait ni plus ni moins de construire à Sart Bernard une usine à tarmac. Nous avions marché sur ce même tracé ou presque lorsqu’il était question de… bitumer la grotte dite du Trou d’Aquin, à Lustin.

26 février. La commune d’Ham/Heure-Nalinnes vient récemment de reconnaître que les chemins du Laury (rue du Laury et sentier reliant le 120 rue du Laury à la rue de l’Amérique) sont des voiries publiques. Par cette démarche, la commune autoriserait la fermeture définitive des chemins historiques qui sont plus que centenaires. De ce fait, la commune serait également responsable de la sécurité aux alentours de la passerelle, en particulier sur la rive droite qui est en zone inondable et reprise comme telle dans les plans de la Région Wallonne, avec des normes qui ne sont concrètement pas tenables. Nous avions marché ces chemins lors de la marche des communs et des préalables de 2019.

  1. Agenda de ce qui est écrit en tout petit dans la presse mais qu’on a lu quand même

4 février: Janvier 2020 a été le mois de janvier le plus chaud jamais enregistré sur la planète, très légèrement devant 2016, a annoncé mardi le service européen Copernicus sur le changement climatique. Après une décennie record, qui s’est conclue avec une année 2019 qui était la deuxième plus chaude jamais enregistrée sur la planète, les années 2020 démarrent sur la même tendance.

11 février: Les différents gouvernements du pays recevront mercredi prochain pour approbation un texte sur la stratégie climatique belge pour 2050 (à ne pas confondre avec la plan climat 2030). Mais contrairement à ce que demande la Commission, le plan belge ne comprend aucune ambition nationale pour 2050, car le gouvernement fédéral n’a pas introduit de plan.

12 février: Les eurodéputés ont validé mercredi, avec une large majorité, un traité de libre-échange négocié avec le Vietnam. Ils jettent ainsi le doute sur la crédibilité du « pacte vert » vanté par la nouvelle Commission européenne.

13 février: Les eurodéputés ont approuvé une liste de projets énergétiques considérés comme prioritaires par la commission Européenne, parmi lesquels plusieurs infrastructures gazières géantes.

En lecture # 3, avril 2020

  1. Pour le numéro trois, il y aura trois articles. Tous trois consacrés à la crise sanitaire et aux jours d’après, quoi d’autre ?

# 1. Paru dans Contretemps, Capitalisme, vie et mort à l’heure du coronavirus, 29 mars 2020, par Alexis Cukier

EXTRAIT (…) Rien ne sera plus comme avant. Désormais – l’heure appelle, je pense, à le dire sans détour, sans attendre les résultats de nouvelles expériences et de nouvelles enquêtes, en s’éloignant autant que possible des formules habituelles des discours philosophiques et politiques, de manière très directe –, les alternatives se poseront ainsi, ici et maintenant : le capitalisme ou la vie, travailler contraint à en mourir ou travailler librement pour la vie.

Après la crise, l’ordre établi sera prêt pour le gouvernement autoritaire des prochaines catastrophes écologiques. Nous aurons connu des malades, des mortes et des morts, nous aurons été travailler ou faire des courses la peur au ventre pour nous-mêmes et pour les autres, nous aurons été paniqué.e.s, sidéré.e.s, confiné.e.s, en colère, solidaires, déterminé.e.s. Nous aurons vu mise en œuvre à grande échelle cette priorité des dirigeants : sauver l’économie, c’est-à-dire les profits, plutôt que les vies. Dans les pays riches du Nord global, nous n’aurons certes pas connu les souffrances que les pillages, le néocolonialisme et les guerres font vivre aux habitant.e.s des pays appauvris du Sud global. Mais ce que les crises sanitaires, économiques, sociales, politiques, auront rendu ici aussi manifeste, c’est cette vérité : le capitalisme produit la mort. Par la guerre, qui lui est régulièrement nécessaire. Mais aussi continûment et d’innombrables autres manières, violentes ou progressives, visibles ou inaudibles, banales ou extraordinaires, et selon un développement inégal et combiné entre classes sociales et entre centre et périphéries : le capitalisme produit la mort et épuise la vie.

Celles et ceux qui meurent de maladies à coronavirus, du Covid-19, sont infecté.e.s par le virus SARS-CoV-2 mais sont tué.e.s par des décisions politiques qui, en défendant les conditions du travail, du soin et de la vie nécessaires au capitalisme, n’ont pas permis d’empêcher et ne permettent pas d’endiguer la pandémie ni de diagnostiquer et soigner les malades. On compte aujourd’hui les victimes de cette pandémie, mais pas celles des autres bien plus mortifères dont le capitalisme est également la principale souche : guerres, famines, intoxication et soins inaccessibles dans le Sud global, et là-bas surtout mais aussi ici cancers, affections neurotoxiques et cardiovasculaires, et toutes les autres maladies causées ou dramatiquement aggravées par la pollution atmosphérique et l’exposition à des substances chimiques, qui touchent en premier lieu les travailleurs et travailleuses du capitalisme industriel puis l’ensemble de la population. La pollution atmosphérique est un fléau mondial : ne nous étonnons pas qu’on découvre aujourd’hui qu’elle propage probablement le coronavirus et qu’en tout cas elle aggrave la maladie Covid-19. Celles et ceux dont le système immunitaire a été le plus endommagé par ces émissions et mutilations du capitalisme seront aussi les premières victimes de cette nouvelle pandémie.

Leurs profits, nos morts. En réalité, le capitalisme tue sans arrêt. Surtout dans ses périphéries, mais aussi en ses centres. À petit feu pour la plupart, mais au sens littéral et immédiat aussi, et en masse. Ce monde du capital a émergé et s’est toujours maintenu dans la violence et la guerre, par des hécatombes : les morts de la colonisation de l’Amérique, de la traite négrière, des colonisations et guerres coloniales en Afrique et en Asie, des guerres mondiales – qui se sont comptés, pour chacun de ces génocides, en millions et dizaines de millions – et d’autres innombrables guerres sans lesquelles le monde du capital n’existerait pas. Pour piller de nouvelles ressources et dominer de nouvelles mains d’œuvre, pour gagner l’hégémonie dans la compétition économique mondiale, pour liquider des stocks d’armes ou des réserves d’actions devenues sans valeur, pour reconstruire en masse ou imposer de nouveau besoins factices, ces guerres sont essentielles au capitalisme. Mais nous savons désormais que ce monde du capital produit la mort encore autrement, graduellement et sans cesse, par la destruction des écosystèmes naturels, des modes de vie populaires qui leur sont liés, par l’exposition de toutes les espèces vivantes à des pollutions chimiques et aux émissions de dioxyde de carbone, et parfois par des pandémies.(…)

° Si l’article vous intéresse : Capitalisme, vie et mort à l’heure du coronavirus - CONTRETEMPS

#2. Paru dans AOC, Imaginer les gestes-barrières contre le retour à la production d’avant-crise, le 29 mars 2020, par Bruno Latour

ARTICLE COMPLET. Il y a peut-être quelque chose d’inconvenant à se projeter dans l’après-crise alors que le personnel de santé est, comme on dit, « sur le front », que des millions de gens perdent leur emploi et que beaucoup de familles endeuillées ne peuvent même pas enterrer leurs morts. Et pourtant, c’est bien maintenant qu’il faut se battre pour que la reprise économique, une fois la crise passée, ne ramène pas le même ancien régime climatique contre lequel nous essayions jusqu’ici, assez vainement, de lutter.

En effet, la crise sanitaire est enchâssée dans ce qui n’est pas une crise – toujours passagère – mais une mutation écologique durable et irréversible. Si nous avons de bonne chance de « sortir » de la première, nous n’en avons aucune de « sortir » de la seconde. Les deux situations ne sont pas à la même échelle, mais il est très éclairant de les articuler l’une sur l’autre. En tout cas, ce serait dommage de ne pas se servir de la crise sanitaire pour découvrir d’autres moyens d’entrer dans la mutation écologique autrement qu’à l’aveugle.

La première leçon du coronavirus est aussi la plus stupéfiante : la preuve est faite, en effet, qu’il est possible, en quelques semaines, de suspendre partout dans le monde et au même moment, un système économique dont on nous disait jusqu’ici qu’il était impossible à ralentir ou à rediriger. À tous les arguments des écologiques sur l’infléchissement de nos modes de vie, on opposait toujours l’argument de la force irréversible du « train du progrès » que rien ne pouvait faire sortir de ses rails, « à cause », disait-on, « de la globalisation ». Or, c’est justement son caractère globalisé qui rend si fragile ce fameux développement, susceptible au contraire de freiner puis de s’arrêter d’un coup.

En effet, il n’y a pas que les multinationales ou les accords commerciaux ou internet ou les tour operators pour globaliser la planète : chaque entité de cette même planète possède une façon bien à elle d’accrocher ensemble les autres éléments qui composent, à un moment donné, le collectif. Cela est vrai du CO2 qui réchauffe l’atmosphère globale par sa diffusion dans l’air ; des oiseaux migrateurs qui transportent de nouvelles formes de grippe ; mais cela est vrai aussi, nous le réapprenons douloureusement, du coronavirus dont la capacité à relier « tous les humains » passe par le truchement apparemment inoffensif de nos divers crachotis. A globalisateur, globalisateur et demi : question de resocialiser des milliards d’humains, les microbes se posent un peu là !

D’où cette découverte incroyable : il y avait bien dans le système économique mondial, caché de tous, un signal d’alarme rouge vif avec une bonne grosse poignée d’acier trempée que les chefs d’État, chacun à son tour, pouvaient tirer d’un coup pour stopper « le train du progrès » dans un grand crissement de freins. Si la demande de virer de bord à 90 degrés pour atterrir sur terre paraissait encore en janvier une douce illusion, elle devient beaucoup plus réaliste : tout automobiliste sait que pour avoir une chance de donner un grand coup de volant salvateur sans aller dans le décor, il vaut mieux avoir d’abord ralenti…

Malheureusement, cette pause soudaine dans le système de production globalisée, il n’y a pas que les écologistes pour y voir une occasion formidable d’avancer leur programme d’atterrissage. Les globalisateurs, ceux qui depuis le mitan du XXe siècle ont inventé l’idée de s’échapper des contraintes planétaires, eux aussi, y voient une chance formidable de rompre encore plus radicalement avec ce qui reste d’obstacles à leur fuite hors du monde. L’occasion est trop belle, pour eux, de se défaire du reste de l’État-providence, du filet de sécurité des plus pauvres, de ce qui demeure encore des réglementations contre la pollution, et, plus cyniquement, de se débarrasser de tous ces gens surnuméraires qui encombrent la planète[1].

N’oublions pas, en effet, que l’on doit faire l’hypothèse que ces globalisateurs sont conscients de la mutation écologique et que tous leurs efforts, depuis cinquante ans, consistent en même temps à nier l’importance du changement climatique, mais aussi à échapper à ses conséquences en constituant des bastions fortifiés de privilèges qui doivent rester inaccessibles à tous ceux qu’il va bien falloir laisser en plan. Le grand rêve moderniste du partage universel des « fruits du progrès », ils ne sont pas assez naïfs pour y croire, mais, ce qui est nouveau, ils sont assez francs pour ne même pas en donner l’illusion. Ce sont eux qui s’expriment chaque jour sur Fox News et qui gouvernent tous les États climato-sceptiques de la planète de Moscou à Brasilia et de New Delhi à Washington en passant par Londres.

Ce qui rend la situation actuelle tellement dangereuse, ce n’est pas seulement les morts qui s’accumulent chaque jour davantage, c’est la suspension générale d’un système économique qui donne donc à ceux qui veulent aller beaucoup plus loin dans la fuite hors du monde planétaire, une occasion merveilleuse de « tout remettre en cause ». Il ne faut pas oublier que ce qui rend les globalisateurs tellement dangereux, c’est qu’ils savent forcément qu’ils ont perdu, que le déni de la mutation climatique ne peut pas durer indéfiniment, qu’il n’y a plus aucune chance de réconcilier leur « développement » avec les diverses enveloppes de la planète dans laquelle il faudra bien finir par insérer l’économie. C’est ce qui les rend prêts à tout tenter pour extraire une dernière fois les conditions qui vont leur permettre de durer un peu plus longtemps et de se mettre à l’abri eux et leurs enfants. « L’arrêt de monde », ce coup de frein, cette pause imprévue, leur donne une occasion de fuir plus vite et plus loin qu’ils ne l’auraient jamais imaginé[2]. Les révolutionnaires, pour le moment, ce sont eux.

C’est là que nous devons agir. Si l’occasion s’ouvre à eux, elle s’ouvre à nous aussi. Si tout est arrêté, tout peut être remis en cause, infléchi, sélectionné, trié, interrompu pour de bon ou au contraire accéléré. L’inventaire annuel, c’est maintenant qu’il faut le faire. A la demande de bon sens : « Relançons le plus rapidement possible la production », il faut répondre par un cri : « Surtout pas ! ». La dernière des choses à faire serait de reprendre à l’identique tout ce que nous faisions avant.

Par exemple, l’autre jour, on présentait à la télévision un fleuriste hollandais, les larmes aux yeux, obligé de jeter des tonnes de tulipes prêtes à l’envoi qu’il ne pouvait plus expédier par avion dans le monde entier faute de client. On ne peut que le plaindre, bien sûr ; il est juste qu’il soit indemnisé. Mais ensuite la caméra reculait montrant que ses tulipes, il les fait pousser hors-sol sous lumière artificielle avant de les livrer aux avions cargo de Schiphol dans une pluie de kérosène ; de là, l’expression d’un doute : « Mais est-il bien utile de prolonger cette façon de produire et de vendre ce type de fleurs ? ».

De fil en aiguille, si nous commençons, chacun pour notre compte, à poser de telles questions sur tous les aspects de notre système de production, nous devenons d’efficaces interrupteurs de globalisation – aussi efficaces, millions que nous sommes, que le fameux coronavirus dans sa façon bien à lui de globaliser la planète. Ce que le virus obtient par d’humbles crachotis de bouches en bouches – la suspension de l’économie mondiale –, nous commençons à l’imaginer par nos petits gestes insignifiants mis, eux aussi, bout à bout : à savoir la suspension du système de production. En nous posant ce genre de questions, chacun d’entre nous se met à imaginer des gestes barrières mais pas seulement contre le virus : contre chaque élément d’un mode de production dont nous ne souhaitons pas la reprise.

C’est qu’il ne s’agit plus de reprendre ou d’infléchir un système de production, mais de sortir de la production comme principe unique de rapport au monde. Il ne s’agit pas de révolution, mais de dissolution, pixel après pixel. Comme le montre Pierre Charbonnier, après cent ans de socialisme limité à la seule redistribution des bienfaits de l’économie, il serait peut-être temps d’inventer un socialisme qui conteste la production elle-même . C’est que l’injustice ne se limite pas à la seule redistribution des fruits du progrès, mais à la façon même de faire fructifier la planète. Ce qui ne veut pas dire décroître ou vivre d’amour ou d’eau fraîche, mais apprendre à sélectionner chaque segment de ce fameux système prétendument irréversible, de mettre en cause chacune des connections soi-disant indispensables, et d’éprouver de proche en proche ce qui est désirable et ce qui a cessé de l’être.

D’où l’importance capitale d’utiliser ce temps de confinement imposé pour décrire , d’abord chacun pour soi, puis en groupe, ce à quoi nous sommes attachés ; ce dont nous sommes prêts à nous libérer ; les chaînes que nous sommes prêts à reconstituer et celles que, par notre comportement, nous sommes décidés à interrompre[3]. Les globalisateurs, eux, semblent avoir une idée très précise de ce qu’ils veulent voir renaître après la reprise : la même chose en pire, industries pétrolières et bateaux de croisière géants en prime. C’est à nous de leur opposer un contre-inventaire. Si en un mois ou deux, des milliards d’humains sont capables, sur un coup de sifflet, d’apprendre la nouvelle « distance sociale », de s’éloigner pour être plus solidaires, de rester chez soi pour ne pas encombrer les hôpitaux, on imagine assez bien la puissance de transformation de ces nouveaux gestes-barrières dressés contre la reprise à l’identique, ou pire, contre un nouveau coup de butoir de ceux qui veulent échapper pour de bon à l’attraction terrestre.

Comme il est toujours bon de lier un argument à des exercices pratiques, proposons aux lecteurs d’essayer de répondre à ce petit inventaire. Il sera d’autant plus utile qu’il portera sur une expérience personnelle directement vécue. Il ne s’agit pas seulement d’exprimer une opinion qui vous viendrait à l’esprit, mais de décrire une situation et peut-être de la prolonger par une petite enquête. C’est seulement par la suite, si vous vous donnez les moyens de combiner les réponses pour composer le paysage créé par la superposition des descriptions, que vous déboucherez sur une expression politique incarnée et concrète — mais pas avant.

Attention : ceci n’est pas un questionnaire, il ne s’agit pas d’un sondage. C’est une aide à l’auto-description*.

Il s’agit de faire la liste des activités dont vous vous sentez privés par la crise actuelle et qui vous donnent la sensation d’une atteinte à vos conditions essentielles de subsistance. Pour chaque activité, pouvez-vous indiquer si vous aimeriez que celles-ci reprennent à l’identique (comme avant), mieux, ou qu’elles ne reprennent pas du tout. Répondez aux questions suivantes :

Question 1 : Quelles sont les activités maintenant suspendues dont vous souhaiteriez qu’elles ne reprennent pas ?

Question 2 : Décrivez a) pourquoi cette activité vous apparaît nuisible/ superflue/ dangereuse/ incohérente ; b) en quoi sa disparition/ mise en veilleuse/ substitution rendrait d’autres activités que vous favorisez plus facile/ plus cohérente ? (Faire un paragraphe distinct pour chacune des réponses listées à la question 1.)

Question 3 : Quelles mesures préconisez-vous pour que les ouvriers/ employés/ agents/ entrepreneurs qui ne pourront plus continuer dans les activités que vous supprimez se voient faciliter la transition vers d’autres activités ?

Question 4 : Quelles sont les activités maintenant suspendues dont vous souhaiteriez qu’elles se développent/ reprennent ou celles qui devraient être inventées en remplacement ?

Question 5 : Décrivez a) pourquoi cette activité vous apparaît positive ; b) comment elle rend plus faciles/ harmonieuses/ cohérentes d’autres activités que vous favorisez ; et c) permettent de lutter contre celles que vous jugez défavorables ? (Faire un paragraphe distinct pour chacune des réponses listées à la question 4.)

Question 6 : Quelles mesures préconisez-vous pour aider les ouvriers/ employés/ agents/ entrepreneurs à acquérir les capacités/ moyens/ revenus/ instruments permettant la reprise/ le développement/ la création de cette activité ?

(Trouvez ensuite un moyen pour comparer votre description avec celles d’autres participants. La compilation puis la superposition des réponses devraient dessiner peu à peu un paysage composé de lignes de conflits, d’alliances, de controverses et d’oppositions.)

[1] Voir l’article sur les lobbyistes déchaînés aux Etats-Unis par Matt Stoller, « The coronavirus relief bill could turn into a corporate coup if we aren’t careful », The Guardian , 24.03.20.

[2] Danowski, Deborah, de Castro, Eduardo Viveiros, « L’arrêt de monde », in De l’univers clos au monde infini (textes réunis et présentés) . Ed. Hache, Emilie. Paris, Editions Dehors, 2014. 221-339.

[3] L’auto-description reprend la procédure des nouveaux cahiers de doléance suggérés dans Bruno Latour, Où atterrir ? Comment s’orienter en politique . Paris, La Découverte, 2017 et développés depuis par le consortium Où atterrir Une vidéo de présentation de la démarche proposée par le consortium Où atterrir? | bruno-latour.fr

*L’auto-description reprend la procédure des nouveaux cahiers de doléance suggérés dans Bruno Latour, Où atterrir ? Comment s’orienter en politique . Paris, La Découverte, 2017 et développés depuis par un groupe d’artistes et de chercheurs.

#3. Paru dans Le Vif, 29 mars 2020, Nous n’avons pas besoin d’un plan de relance mais d’un plan de sortie, par Jonathan Piron

EXTRAIT (…) Le pic de l’épidémie de coronavirus n’a peut-être pas encore été atteint en Belgique que, déjà, les débats s’engagent sur la situation économique et son futur quand nous pourrons sortir de notre confinement. D’un peu partout montent les idées autour de la nécessité de " plans de relance ", dans une société " qui doit faire face à la récession " .

Au même moment, la crise sociale semble prendre de l’ampleur. Les pressions se font chaque jour de plus en plus fortes sur le personnel toujours au travail, essentiellement des femmes dans des métiers exposés, sous-payés. “Des sacrifices seront nécessaires” pourrait être d’ailleurs la prochaine phrase qui s’imposera dans les débats publics. Le “retour à la normale” l’imposera.

S’engager dans cette rhétorique d’un plan de relance pour revenir à la normale, et de tout ce qu’il sous-entend, reviendrait à dire que nous n’avons rien compris à ce qui nous arrive aujourd’hui.

Pour mieux comprendre pourquoi, revenons d’abord sur les causes de la pire crise sanitaire que vit l’humanité depuis un siècle. La crise du coronavirus ne trouve pas son origine dans un comportement individuel punissable mais dans le fonctionnement d’une structure globale qui démontre à la fois sa grande fragilité et sa grande déconnexion des conséquences de ses actes. Il semble aujourd’hui établi que la destruction de la biodiversité crée les conditions pour que de nouveaux virus et maladies tels que Covid-19 se répandent. Les épidémies ayant pour origine une transmission de l’animal à l’homme sont en pleine croissance depuis ces trente dernières années. La mondialisation et la société de croissance contribuent à cette dégradation de nos espaces naturels. Les forêts tropicales reculent sous le poids des exploitations minières ou forestières. Le covid-19 trouve ainsi une de ses origines dans la perturbation profonde des écosystèmes pour des motifs d’accaparement et de commercialisation poussées de ses ressources. La détérioration de notre environnement renforce, en outre, la propagation des virus et autres infections. Le virus semble ainsi trouver un autre terrain favorable via l’air pollué, qui aide à sa diffusion. Si la crise actuelle n’a que peu de choses à avoir avec la crise climatique, elle est cependant connectée avec la manière dont nous considérons notre environnement et accélérons sa détérioration.

Ce n’est cependant qu’un élément. De l’autre côté, notre rapport à l’économique contribue à fragiliser notre système social, nous rendant au final particulièrement vulnérable face aux pandémies. Les coupes à l’égard des soins de santé, qui n’ont guère cessé tout au long de ces dernières décennies, démontrent aujourd’hui tous leurs effets néfastes. D’après Benoît Hallet, directeur général adjoint l’Unessa, en cinq ans, ce sont 1,2 milliards d’économies qui ont été imposés dans le secteur hospitalier. Sans compter les autres mesures qui ont progressivement amené la délocalisation des unités de productions de nécessaires à la lutte contre de tels virus, tels les masques. La volonté de notre système de faire des profits à tout prix et de produire à tout-va nous amène, au final, à nous exposer aux déstabilisations environnementales et sociales que le coronavirus révèle (…)

° Si l’article vous intéresse : https://www.levif.be/actualite/belgique/nous-n-avons-pas-besoin-d-un-plan-de-relance-mais-d-un-plan-de-sortie/article-opinion-1270601.html?fbclid=IwAR2s_V417hhrEvYIK4QarASI_k9CAoh1xq8T0AVq6NtkR4jTvjH3vXxujW8

En lecture # 5, juin 2020

Numéro cinq, extra confiné. Avec des vrais morceaux de lutte dedans.

# 1. Paru dans Ballast, Communalisme, se doter d’une organisation, interview (en deux parties) de Floreal Romero, 18 et 21 mai 2020

EXTRAIT (…) On voit tout un courant « citoyenniste » se saisir du municipalisme et du communalisme. La révolution communaliste serait-elle déjà diluée dans les eaux tièdes de la social-démocratie ?

En effet, tout un secteur « citoyenniste » s’est emparé du municipalisme — quoique sans trop afficher l’adjectif « libertaire » ! Là commence toute l’ambiguïté et se lève un coin du tapis que cache cette nouvelle stratégie élaborée suite au délabrement et à la désorientation de la « gauche ». Je n’entends pas, ici, la gauche comme cadre d’une sensibilité humaniste à laquelle adhère totalement la pensée communaliste — la lutte contre les injustices, les riches, le racisme, le sexisme, le militarisme, la lutte pour un service vraiment public… Je l’entends dans un sens plus restreint : celui d’une stratégie des partis politiques situés à gauche sur le vecteur de la démocratie représentative. Cette gauche, en tant que partis divers, adhère aux règles du jeu électoral, lesquelles sont établies dans le strict cadre des institutions de l’État. Elles ont été étudiées et mises au point par la bourgeoisie au terme de ses trois révolutions, à la fin du XVIIIe siècle : l’anglaise, l’américaine et la française. C’est pourquoi la couleur des partis ne sera jamais clivante…

Pourquoi ?

Le but de ce gouvernement reste invariablement celui de faciliter l’économie, dont il dépend entièrement. Sous peine de mort, il se doit de booster un flux optimum d’opérations commerciales, quelle que soit la nature de ces échanges (des armes, par exemple), puisque la valorisation de la valeur en est le seul but. L’autre obligation de ce pilotage d’État étant celle de maintenir la paix sociale et sa reproduction. D’où la nécessité de freiner la lutte des classes par tous les moyens : autant par la carotte que par le bâton. Toute une partie du prolétariat a été bercée par la gauche dans l’illusion d’une possible émancipation politique : parvenir au socialisme via l’État. Les uns choisissant la voie parlementaire, les autres la voie insurrectionnelle. Après l’échec de la révolution bolchevik et l’accès à la consommation suivant les années 1930, et bien avant la chute du mur de Berlin, l’illusion émancipatrice a été rangée au placard pour une partie de la classe ouvrière. Dès lors, la gauche n’a cessé de jouer, sans masque, son rôle assigné de modérateur : s’opposer à la « voracité libérale ». De plus, pendant longtemps, elle a fait fi des désastres collatéraux, comme celui de la destruction du vivant, et a fini par se discréditer aux yeux de son électorat.

C’est dans cette dernière séquence que vous faites émerger les mouvements citoyennistes ?

Ils ont, en partie, pris le relai des mouvements ouvriers dans les années 1990. Ces citoyennismes sont surtout investis par les classes moyennes, atteintes par les successives crises du capitalisme et l’offensive libérale de l’après 1980. Ils contestent la mondialisation et accusent les multinationales et la finance de tous les maux. Ils les signalent comme les responsables de la paupérisation des classes les plus défavorisées, la marchandisation du vivant et les désastres écologiques, la dépossession des peuples de leurs communs et de leur souveraineté alimentaire… Et même si le capitalisme est remis en cause, il ne l’est majoritairement que sous sa forme néolibérale ! Hétéroclite et sans organisation particulière ni parti, ce mouvement, que l’on pourrait situer idéologiquement proche d’ATTAC, est orphelin de stratégie et d’outil politique qui lui soient propres. Débats et manifestations se succèdent sans parvenir à structurer une opposition véritable — et encore moins un projet politique. En cela, Frédéric Lordon a raison : « Débat pour débattre, mais ne tranche rien, ne décide rien et surtout ne clive rien. Une sorte de rêve démocratique cotonneux précisément conçu pour que rien n’en sorte. » C’est de ce mouvement citoyenniste que naîtra le municipalisme en Espagne.

(…) Vous évoquiez Lordon . Dans son dernier livre , il avance que, face «au pouvoir totalitaire du capital», il faut opposer un titan aussi puissant que lui pour l’abattre — ce qu’il nomme «le point L», c’est-à-dire Lénine. Que la solution «des isolats» est vaine car les tendances «proto-fascistes» des États contemporains entraîneront la destruction de toute alternative locale et parcellaire…

Il me faut sans doute faire la même remarque que pour Löwy et Besancenot : une lecture superficielle des thèses de Bookchin. Il en est ainsi lorsque Frédéric Lordon déclare : « Je serais tenté de dire que la fédération des communes, elle vient surtout après : elle est ce qui suit le renversement… ne serait-ce que parce que je vois mal les pouvoirs stato-capitalistes laisser prospérer avec largesse une fédération de communes qui aurait pour objectif avoué de les renverser — ça, c’est un scénario à la Bookchin, et je n’y crois pas une seconde. » En premier lieu, Lordon ne s’est pas clairement expliqué sur son « point L », mais, se référant à Lénine, nous pouvons supposer qu’il évoque là du « déjà-vu » : un « remake » du « Grand soir » de 1917, auquel le communalisme a tourné le dos (de même qu’il récuse l’État ou l’armée comme autant de « titans » pour « abattre » le « pouvoir totalitaire du capital »). Pour le communalisme, les moyens portant les fins dans leurs entrailles, cet « abattage » ne ferait que ressusciter le pouvoir en question ! S’il s’agit bien, pour Bookchin, d’éviter l’erreur toute stratégique de s’en remettre à un titan aux pieds d’argile, ce n’est pas, non plus, pour lorgner du côté de l’inconséquence des « isolats ».

Sans se référer directement aux zapatistes, on pourrait voir évoquées leurs pratiques dans les dires de Bookchin : « Il existe ainsi dans le monde entier des communautés dont la solidarité permet d’imaginer une nouvelle politique fondée sur un municipalisme libertaire, et qui pourraient finalement constituer un contre-pouvoir à l’État-nation. » Partant de cette réalité, il a évoqué l’impérieuse nécessité de structurer une organisation pour créer un mouvement : « J’aimerais insister sur le fait que cette approche suppose que nous parlions bien d’un véritable mouvement, et non de cas isolés où les membres d’une seule communauté prendraient le contrôle de leur municipalité et la restructuraient sur la base d’assemblées de quartier. Elle suppose d’abord l’existence d’un mouvement qui transformera les communautés l’une après l’autre et établira entre les municipalités un système de relations confédérales, un mouvement qui constituera un véritable pouvoir régional. »

° Si l’article vous intéresse : BALLAST • Floréal Romero : « Communalisme : se doter d’une orga­ni­sa­tion » [1/2] et BALLAST • Floréal Romero : « Sortir du capitalisme par le communalisme » [2/2]

# 2. Paru dans Le Monde libertaire, Le communalisme face à l’épidémie : pourquoi nous ferons mieux, 17 mai 2020, par Annick Stevens

EXTRAIT (…) Par rapport à la manière dont l’épidémie a été gérée par les États, selon diverses stratégies mais toujours de manière autoritaire, les avantages de la prise des décisions politiques par l’ensemble des citoyens sont multiples : pas de coercition, pas de méfiance envers les décideurs, pas de motivations cachées, pas de mensonges ni de dissimulations, pas de retards dus aux rigidités hiérarchiques et bureaucratiques, pas de privilèges, etc. On pourrait soupçonner qu’un désavantage serait la lenteur du processus de délibération en assemblées. D’une part, en effet, on y recherche de préférence le consensus par la réponse à l’ensemble des objections, et, d’autre part, il sera nécessaire de se coordonner à l’échelle régionale, ce qui suppose des allers et retours de mandataires entre les assemblées locales et régionales. Les communautés zapatistes, par exemple, qui sont organisées de cette façon, assument tout à fait que ce processus prend du temps [note] . La réponse est cependant facile au vu de la situation actuelle : des gouvernements tout puissants, légalement autorisés à imposer n’importe quelles mesures dans tous les domaines de l’organisation sociale, ont mis un temps fou à réagir et à prendre les bonnes décisions. À quelques rares exceptions près, dans tous les pays touchés il s’est écoulé plusieurs semaines entre la détection des premiers cas et l’installation des mesures adéquates. Sur ce point aussi, les raisons sont structurelles : la coupure entre la société et ses dirigeants fait que l’alerte est d’abord niée ou pas prise au sérieux ; ensuite, la collusion entre les professionnels de la politique et la classe économico-financière fait qu’on retarde le plus possible toute mesure qui nuirait aux intérêts de ces deux classes. En outre, l’importance plus que secondaire accordée aux intérêts de la population par rapport aux intérêts de ces classes fait que rien n’est prêt, le service public étant largement démantelé et les moyens mobilisables sacrifiés aux nouvelles normes managériales. Enfin, la stratification hiérarchique et bureaucratique fait que les gens qui pourraient être utiles n’ont pas le droit d’intervenir, ni pour éclairer la décision, ni pour offrir des aides matérielles. En conclusion, l’organisation autoritaire, corrompue par le profit et coupée de l’intelligence collective, a accumulé tous les retards jusqu’à ce que l’aggravation de la situation ne lui laisse plus que les mesures… les plus autoritaires.

Au contraire, dans une population où tout le monde côtoie constamment les professionnels de tous les secteurs, où l’information circule horizontalement, où l’on discute ouvertement de tout, une alerte pour la santé publique serait immédiatement connue et affrontée par les assemblées. Dès les premières informations, elles comprendraient la nécessité de se coordonner à l’échelle régionale, voire interrégionale, et aucun impératif n’empêcherait les assemblées de tous les niveaux de consulter les personnes compétentes, de reconnaître l’urgence et de mobiliser en leur sein (puisqu’elles sont la population entière) les moyens nécessaires pour y répondre.

Cette remarque fait surgir une nouvelle question : qui sont les personnes compétentes et quelles sont les conditions pour qu’il y en ait ? (…)

° Si l’article vous intéresse : https://www.monde-libertaire.fr/?article=LE_COMMUNALISME_FACE_A_LEPIDEMIE_:POURQUOI_NOUS_FERONS_MIEUX

# 3. Paru dans AOC, Néolibéralisme, le pic épidémique est-il derrière nous ?, 25 mai 2020 par Alain Caillé et Bertrand Livinec

EXTRAIT (…) Si certains se demandent encore si le Covid-19 a une origine naturelle et animale à partir d’un marché de Wuhan, ou s’il sort d’un laboratoire du même Wuhan… Il est en revanche certain que le néolibéralisme est une pure création humaine. Un de ses premiers laboratoires a été la réunion en 1947, au Mont Pèlerin en Suisse, d’une trentaine d’intellectuels, dont les économistes Friedrich von Hayek, Milton Friedman ou le philosophe Karl Popper.

De ce premier laboratoire vont sortir des idées virales qui, de mutation en mutation, prendront au moins six formes principales (comparables aux SARS-CoV et au MERS-CoV).La première est que l’appât du gain est une bonne chose (« Greed is good ») ; la deuxième, que le marché est en conséquence la seule forme de coordination efficace et légitime entre les humains, et qu’il s’autorégule (marché financier et spéculatif compris) ; la troisième, que la société n’existe pas (« There is no such thing as society »), qu’il n’y a que des individus ; la quatrième, que par un effet de ruissellement, plus les riches (les premiers de cordée) s’enrichissent et mieux c’est pour tout le monde ; la cinquième, que toujours plus c’est toujours mieux ; et, enfin, qu’il n’y a pas d’alternative. Pas d’alternative, cela veut dire qu’il nous faudrait vivre jusqu’à la fin des temps sous le règne du néolibéralisme, de même qu’on nous laisse entendre que nous devrons désormais apprendre à vivre indéfiniment avec des masques, des gestes barrières et des re-confinements périodiques.

Les premiers virus idéologiques néolibéraux sont restés longtemps confinés dans les chambres froides des universités, laboratoires et autres think tanks néolibéraux. Les patients zéro, ceux qui en raison de leur audience allaient être les premiers disséminateurs à grande échelle, furent les politiques. Il est généralement admis que Margaret Thatcher a été la pionnière dans l’application de la pensée néolibérale dès sa nomination en 1979 : mise au régime sec de l’État, privatisations, mise à l’écart des corps intermédiaires, et notamment des syndicats. Quasiment au même moment, en Chine, Deng Xiaoping prenait les rênes du pouvoir et entreprenait une réforme majeure de l’économie, en proclamant : « Il est glorieux de s’enrichir ». En 1981, Ronald Reagan s’installait à la Maison Blanche et lançait un programme anti-keynésien brutal, qui peut assez bien se résumer à sa citation : « L’État n’est pas la solution à nos problèmes. Il est le problème lui-même ».

Avec les États-Unis pour le continent américain, la Grande-Bretagne pour l’Europe et la Chine pour l’Asie, l’OMS aurait pu dès 1981 lancer une alerte de début de pandémie. Mais, avant même Margaret Thatcher, Georges Pompidou en F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒ avait dès 1973 interdit à la Banque de F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒ de financer l’État, en l’obligeant à passer par les banques privées ! (…)

° Si l’article vous intéresse : Néolibéralisme, le pic épidémique est-il derrière nous ? - AOC media

# 4. Paru dans Le Monde diplomatique, L’heure de la planification écologique, mai 2020, par Cédric Durand et Razmig Keucheyan

EXTRAIT (…) Il ne faudrait pas s’y tromper, le néolibéralisme est loin d’expirer. En F̷̪̤̋ṟ̵͙̾͗a̷̛̩̎n̴͙͙̿́c̸̙͙̈e̵̪͒, par exemple, la timidité des mesures en faveur des ménages les plus pauvres indique que le gouvernement entretient une armée de réserve à bas coût afin d’imposer un ajustement des salaires à la baisse en vue d’amortir la crise. Pour autant, nous voyons aussi apparaître dans celle-ci des bribes d’une logique économique différente. C’est souvent le cas dans les conjonctures de crise comme les conflits armés. Lors de la première guerre mondiale, Paris souffre d’une pénurie de charbon. L’État prend alors en charge sa production et sa distribution. L’allocation aux ménages s’effectue selon deux critères : la taille des appartements et le nombre de personnes qui y vivent, à partir desquels on évalue la quantité de charbon nécessaire au chauffage. Le combustible cesse d’être distribué sur la base de la solvabilité des ménages : il l’est en fonction de leur besoin réel. On passe d’un calcul monétaire à un calcul en nature.

La crise du coronavirus est certes moins tragique que la première guerre mondiale. On trouve cependant une logique similaire à l’œuvre. Les masques de protection et les respirateurs font cruellement défaut. Personne aujourd’hui n’ose évoquer leur coût. Seule compte une question : combien peut-on en produire et à quelle vitesse ? Les quantités ont remplacé les prix. La subordination du marché aux besoins réels prend aussi la forme de réquisitions. Haut lieu du néolibéralisme, l’Irlande n’a pas hésité à nationaliser ses hôpitaux privés pour la durée de la crise. M. Donald Trump lui-même a invoqué le Defense Production Act, une loi — remontant à la guerre de Corée (1950-1953) — qui autorise le président des États-Unis à contraindre les entreprises à produire en priorité des biens répondant à l’intérêt général, pour accélérer la fabrication de respirateurs artificiels. L’urgence révèle le besoin par-delà les mécanismes marchands.

Les crises conduisent les sociétés à des bifurcations. Souvent, les routines antérieures reprennent le dessus sitôt l’orage passé ; ce fut peu ou prou le cas après l’effondrement financier de 2008. Mais la crise offre parfois l’occasion de s’engager dans une autre logique. Celle-ci existe à l’état potentiel dans la situation actuelle : contre le marché, privilégier la satisfaction des besoins réels.

La pandémie liée au nouveau coronavirus a toutefois mis en évidence une autre exigence. Le Covid-19 trouve son origine dans une interpénétration croissante des mondes humains et animaux favorable à la circulation des virus. Cette transformation résulte elle-même de l’effondrement des écosystèmes, qui conduit des animaux porteurs de maladies transmissibles à s’établir à proximité des zones d’habitation humaines. En plus de satisfaire les besoins réels, une logique économique alternative devra donc rétablir et respecter les équilibres environnementaux. Son nom ? La planification écologique.

Celle-ci repose sur cinq piliers. D’abord, premier d’entre eux, le contrôle public du crédit et de l’investissement. Il s’agit d’imposer par la loi l’arrêt du financement puis la fermeture des industries polluantes. Ce mouvement doit s’accompagner d’investissements massifs dans la transition écologique, les énergies renouvelables et les infrastructures propres, par l’entremise de l’isolation du bâti notamment. Les chiffrages existent, ceux de l’association négaWatt par exemple (6). Mais il s’agit également de refonder et d’étendre les services publics, notamment éducatifs, hospitaliers, de transport, d’eau, de traitement des déchets, d’énergie et de communication, abîmés ou détruits par la logique marchande.

En février 2019, M. Bernie Sanders et Mme Alexandria Ocasio-Cortez présentaient leur projet de Green New Deal (« nouvelle donne écologique »). Prenant exemple sur la prise de contrôle politique de l’économie par l’administration de Franklin Delano Roosevelt au moment de la Grande Dépression des années 1930, il se propose de décarboner l’économie en dix ans (lire « Un avant-goût du choc climatique »). L’heure n’est plus aux demi-mesures, la situation sur le front environnemental s’aggrave. Ce programme devra s’affranchir des règles d’austérité par lesquelles les États se sont rendus impuissants en matière environnementale. La crise du coronavirus les a de toute façon fait voler en éclats. (…)

° Si l’article vous intéresse : L’heure de la planification écologique, par Cédric Durand & Razmig Keucheyan (Le Monde diplomatique, mai 2020)

Et un petit dernier pour la route puisqu’on peut enfin cultiver son jardin: https://www.infolibertaire.net/des-potagers-sur-le-terrain-du-golf-club/

merci de ce partage @vello, il y a plein de choses chouettes, mais j’ai une objection fondamentale à ce portefeuille de lecture, il y a 99% de mec blancs, un texte anonyme collectif et deux femmes blanches.

Du coup c’est bête et peut être un peu naïf, mais je crois que si on veut changer le monde il faudrait d’abord changer ceux qui e racontent…

bref du coup je me permet de lier avec ce que je suis en train d’essayer de publier à la suite de prendre soin, mais ce n’est pas simple pas les bon contacts ou réseaux, bref je me permet de dire que il y a peut être un cercle vicieux dans cette histoire.