Éditions petites singularités

Une réflexion sur ce que j’aimerais développer en termes d’édition (papier), pour en poser les bases vers une réflexion du collectif. Notamment je note dans le lectorat une intention qui ne correspond pas vraiment à l’envie de toucher les paysans et les hors-zone, mais plus un constat sur ce qui fait ligne entre software freedom your way et prendre soin… L’idée de ce texte est d’ouvrir une voie de ligne éditoriale, vers l’activité éditoriale telle que décrite de manière embryonnaire sur petites singularités — Éditions à Bruxelles et sur la page d’accueil.

Notre lectorat

Nous nous adressons à un lectorat éduqué, radical, féministe et décolonial, intéressé par les pratiques collectives et les technologies libres. Cela n’exclut pas un lectorat rural sans formation universitaire, éduqué n’étant pas nécessairement forgé au creuset universitaire : d’autres manières de penser existent qui ne sont pas l’exclusivité de l’université – et j’en suis une preuve vivante.

Distribution

Nous déposons nos livres parmi les librairies que nous apprécions pour leur politique éditoriale, pour les livres qu’elles proposent. Nous réalisons des dépôts-ventes lorsque c’est possible. Nous proposons nos livres par correspondance ou sous le manteau. Des versions numériques peuvent également être disponibles.

:loudspeaker: Nous recherchons actuellement un réseau de diffusion / distribution pour nos collections.

Propagande

Nous accompagnons nos livres d’une présentation synthétique pour les libraires, de rencontres avec le lectorat, et d’une conversation permanente en ligne sur nos forums. Nous nous engageons avec nos autaires, nos prestataires (imprimaires, distributaires) dans une relation visant à la construction du collectif.

Qualité

Nous visons une qualité optimale : pas de coquille, papier adapté au contenu, polices lisibles, maquettes originales… Notre production utilise uniquement du logiciel libre dans la production du livre. Nous souhaitons travailler avec des imprimeurs qui partagent nos convictions politiques et techniques, même si pour l’instant nous faisons « avec les moyens du bord ».

Ligne éditoriale

Nous souhaitons que chaque publication poursuive la précédente et engage nos lectaires dans une aventure commune. Nos publications reflètent notre engagement politique et esthétique radicaux, explorant les enjeux des pratiques collectives dans l’univers technique qui est notre quotidien. Nous souhaitons notamment replacer l’humain au cœur de cet univers et rétablir la technique comme élément intrinsèque de notre société, tout en poursuivant une critique radicale de la techno-science pour en limiter les atteintes au collectif.

https://ps.lesoiseaux.io/txt

Catalogue

https://ps.zoethical.org/pub/catalogue-des-editions-petites-singularites

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Waow, ça à l’air méga classe… mais je ne comprends pas vraiment en fait :slight_smile:

Pardonnez cette impertinence paysanne, mais serait il possible d’avoir une traduction de l’idée directrice ?

Parce que ce que j’entends est :

  • l’objectif est de replacer l’humain dans l’univers technique :mm ok
  • la technique comme élèment intrinsèque -naturel, inhérent- … mais à quelle société ? perso je perçois “la technique” comme un ensemble comprenant du matériel et du savoir orienté, donc comme culturel et mouvant, et ne voit pas comment on peut “rétablir” quequechose d’impermanent dans le temps? (A moins que tu te réfères à la “fonction intrinsèque” de la théorie des compilateurs ?Mais ça m’étonnerait, il me semble que c’est une approche psychorigide^^)
  • limiter les atteintes au collectif : tu veux que la techno science atteigne le moins possible le collectif (qu’il serait interréssant de définir car la notion est large) ou offrir la possibilité de maitrise sur la technique, car c’est plutôt là l’enjeu, non?

Et sur la page des oiseaux : “La théorie doit informer l’acte”, c’est pas plutôt le contraire ? L’observation des actes nourrissent une théorie. La théorie en tant que modèle, modélisation du réel, interprétation des sommes d’actes. Et puis j’ai dans la tête “tous les modèles sont faux” en tout cas ils ont tous des limites selon l’échelle d’observation. Dans “La théorie doit informer l’acte” j’y vois quelquechose de contraire à l’élan de vie : on se base sur un modèle théorisé pour influencer le réel, exactement le principe de la gouvernance algorithmique.

Une lectrice rurale sans formation universitaire, ni radicale, ni féministe, ni technologiquement libre mais qui se pose la question sur la partie “lectorat” : pourquoi ne vouloir s’adresser qu’à vraissemblablement 0,02% de la population ? :wink:

Hello @sungja

Nous n’avons jamais quantifié combien de personnes cela pourrait représenter, si nous le faisions peut-être serions nous surpris.e (agréablement), bref en tous cas clarifier notre lectorat n’a pas un objectif excluant, il s’agit plutôt d’honnêteté, voici ce que nous écrivons, voici ce que nous souhaitons partager, et il y a sans doute certaines personnes qui trouveront que ce sont des sujets assez loin de leur préoccupations voir peu accessibles, (ce n’est pas mon opinion), mais est-ce vraiment une raison pour ne pas les traiter. Par ailleurs dans notre traitement nous essayons d’être le plus invitant possible, typographie aérée, usages d’illustration, vocabulaire accessible etc…

Cette phrase a été réfléchie et est intentionelle, en effet l’observation nécessairement située est forcément subjective et partielle, ainsi former une théorie à partir de l’observation passe forcément par une généralisation, qui est donc de facto excluante (de tout ce que l’on ne peut observer, pour des raisons pratiques culturellles etc…) A contrario, on peut constater que nombre de pratiques qui se disent neutres sont idéologique, comme par exemple le liberalisme qui n’existe que parce qu’il est soutenu par les ideologies du système en place. C’est donc à partir de ces analyses que nous développons un mode d’action décentralisé et anticapitaliste.
Cependant ñà ou nous rejoignons sans doute, l’action quotidienne et collective doit être guidée par le coeur et la joie, la théorie n’est qu’informative.

Euh il s’agit de notre société, c’est le nous donc qu’il faut définir ici: personnes occidentales vivant dans la société technologique du 20e siècle, gouvernée par des institutions et un système libéral, et financier globalisé. Et il faut bien avouer que aujourd’hui la technique est au centre de nos interactions et nos productions dans cette société.

Oui il y a bien une histoire de la technique, et c’est nbien une notion mouvante, cependant un des axes important de cette histoire, est sa collusion avec les système de pouvoir, et l’existence de systèmes indépendants de résistance, et bien souvent ces questions sont peu ou mal historisées et leur importance est sous estimée.

Oui tu as raison ce serait bien de préciser un peu, mais aussi c’est sans doute l’objet des publications que nous envisageons.

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Il me semble que c’est cette phrase qui est la plus controversée dans la lecture de @sungja – je te remercie d’ailleurs grandement de cette lecture.

Pour aller dans le sens de l’analyse de @natacha et compléter son propos, je dois fournir deux sources pour ce qui concerne la technique et le collectif.
La première c’est Gilbert Simondon – dans une lecture politique partagée avec Muriel Combes et Bernard Aspe – qui m’inspire ce terme de « replacer », car au centre de la production technique aujourd’hui il y a les corporations et non l’humain[1] ; celui-ci est rejeté aux marges que ce soit dans l’esclavage à la source de l’extraction minière et dans le « traitement » des déchets, ou que ce soit dans la consommation de produits « déjà pensés, déjà conçus » et ce, hors de toute entente égalitaire entre humains. Il s’agit bien d’une exploitation pure et dure dans le sens du contrôle des populations humaines par les systèmes globalisés qu’on appelle corporations – par opposition aux peuples susceptibles d’égalité, une égalité prise comme point de départ de la notion de politique (voir Jacques Rancière).
La seconde provient de mes lectures en cours sur les travaux menés par Jean Oury et à sa suite Emmanuelle Rozier sur la notion du collectif. Pour l’instant je ne peux que les donner en référence, ma réflexion est encore trop nébuleuse pour pouvoir en donner un quelconque aperçu. Je me contenterai d’énoncer que cette notion de collectif ne renvoie pas à une globalité mais à un processus vivant d’introspection commune entre égaux, c’est-à-dire partant du principe de l’égalité. Cela n’a rien d’abstrait : il s’agit au contraire de pratique(s) quotidienne(s) prenant en compte les singularités de chacun·e dans un devenir, d’un en-cours, en cours de matérialisation, en cours d’individuation, de concrétisation dirait Simondon.

On relira donc cette injonction que « la théorie doit informer l’acte » selon cette perspective de la primauté du chemin emprunté sur tout idéal déposé ou dépositaire d’un temps linéaire – passé, présent ou futur – autre que celui que nous partageons – le temps commun, avec cette conviction politique de notre égalité, elle-même paradoxalement contraire au fait de nos petites singularités. Mais la contradiction est elle-même inscrite au cœur de la matière ; peut-être la différence entre « nous » et « eux », c’est qu’ils aspirent au pouvoir, à la domination, c’est-à-dire au déhanchement de la matière sur un axe binaire (« eux » ou « nous ») alors que « nous » aspirons à faire un pas de côté, hors de cet axe simpliste, pour dévoiler ce « nous » dont « eux » qui, jusqu’à preuve du contraire, semble gouverner la vie complexe sur son unique vaisseau à notre portée.


  1. et même là on devrait remplacer le terme « humain » par « vivant » afin de prendre en compte l’invisible de la main basse extractiviste sur les soit-disant « ressources naturelles ». Mais il me semble que la lutte pour un humanisme au XXIème siècle est un pas nécessaire de la lutte pour le vivant dans son ensemble – et @natacha ajouterait, avec Elizabeth Povinelli : « et le non-vivant également ». ↩︎

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